"Mes choix thérapeutiques étaient dus à un défaut de jeunesse": poursuivi pour des mutilations dentaires, le docteur Lionel Guedj a reconnu mardi sa responsabilité tout en contestant des actes volontaires. Une thèse balayée par les experts.
Au lendemain des premières auditions d'anciens patients qui ont raconté leur calvaire après être passés entre ses mains, Lionel Guedj a lâché du lest devant le tribunal correctionnel de Marseille où il comparait avec son père pour "violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente".
"Il est évident que ces patients-là souffrent. Il est évident que je suis responsable de ce que j'ai fait", a reconnu mardi le praticien, affirmant avoir "évolué" dans sa vision du dossier.
"En garde à vue, je croyais dur comme fer à mes plans de traitement mais, avec le recul, je vois bien la réalité. Mes choix thérapeutiques étaient dus à un défaut de jeunesse", a-t-il avancé.
Quelque 320 anciens patients se sont constitués parties civiles dans ce procès hors norme. La justice reproche aux deux praticiens de s'être enrichis sur le dos de l'assurance maladie et de mutuelles en réalisant un maximum de prothèses dentaires sur des personnes qui n'en avaient pas besoin, après avoir dévitalisé des dents saines.
Ces opérations, réalisées à la chaîne, au mépris des règles sanitaires, selon des experts, seraient à l'origine des multiples complications: abcès, kystes, douleurs insoutenables, dents qui tombent, mauvaise haleine...
"J'étais un jeune diplômé, mon cabinet a rapidement pris de l'ampleur. je voulais soigner tout le monde, je ne voulais pas faire attendre mes patients, c'était pour moi inacceptable. Je voulais être là pour eux, répondre à leurs demandes. Mais la rapidité de mes actes a apporté des défauts de soin à mes patients. Ce n'était pas volontaire, je n'ai jamais voulu faire du mal à quelqu'un. Je pense que j'ai été débordé", a-t-il affirmé.
- une "aberration" -
"Il y a peu encore, vous étiez droit dans vos bottes, pensant être le meilleur dentiste. Votre posture a radicalement changé", constate, dubitatif, le procureur Michel Sastre.
Mais dites-nous, quand vous dévitalisiez 24 dents d'un coup, ça vous rapportait combien ? interroge le magistrat. "Je ne répondrais pas à cette question", élude Guedj.
Quelques instants plus tôt, le praticien avait déjà refusé de répondre à l'avocat de la sécurité sociale, partie civile au procès, qui lui demandait si "dévitaliser des dents sans justification médicale constituait (pour lui) une mutilation".
Pour le docteur Xavier Gonzalez, auteur avec la docteure Michèle Acquaviva d'une expertise fouillée du cabinet Guedj, la réponse ne fait pas de doute: "Oui, c'est bien une mutilation".
Répondant ensuite à l'interpellation de l'avocat d'une adolescente qui a eu 10 dents dévitalisées, il a enfoncé le clou: "mettre des prothèses à une enfant de 15 ans dont la croissance n'est pas terminée est une aberration", a-t-il dénoncé. "Et parler d'erreurs médicales sur 320 patients, je n'y crois pas. C'est un choix bien réfléchi", a-t-il ajouté parlant "de gestes décidés à l'avance".
Dans son rapport au tribunal, l'expert avait auparavant listé les nombreux dysfonctionnements du cabinet Guedj qu'il a relevés en comparant notamment les données du serveur du cabinet aux dossiers de la sécurité sociale.
"On a constaté des différences entre les actes facturés et ce qui a été réellement réalisé", a-t-il expliqué pointant "des actes fictifs, des falsifications de radios et l'absence d'informations et de devis pour obtenir "un consentement éclairé" des patients avant une opération.
La veille, un autre expert, le docteur Jacques-Henri Torres, avait livré aux juges les mêmes conclusions: "Une erreur, c'est quand on fait une chose qu'on ne voulait pas faire. Ici, c'est strictement intentionnel", avait-il dit.
Le procès est prévu jusqu'au 8 avril.
X.Badami--BD