Au procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), la cour d'assises spéciale de Paris a condamné mercredi Yassine Sebaihia à huit ans de prison, Farid Khelil à dix ans et Jean-Philippe Jean Louis à treize ans.
En l'absence des auteurs du meurtre du père Hamel dans son église le 26 juillet 2016, deux jihadistes de 19 ans abattus par la police, ces trois membres de leur entourage étaient jugés depuis le 14 février pour "association de malfaiteurs terroriste". Ils encouraient trente ans de réclusion.
La cour a considéré que même s'ils ne connaissaient pas précisément leur projet criminel, ils avaient "parfaitement conscience qu'Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean appartenaient à une association de malfaiteurs et préparaient une action violente".
Le quatrième accusé, Rachid Kassim, présumé mort en Irak, a été condamné par défaut à la perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans pour "complicité" de l'assassinat.
Ce propagandiste de l'organisation Etat islamique (EI), dont l'ombre plane sur plusieurs attentats commis en France, a déjà été condamné à la perpétuité pour avoir téléguidé l'attaque manquée aux bonbonnes de gaz près de la cathédrale Notre-Dame à Paris, en septembre 2016.
Au terme de sept heures de délibéré, la peine la plus lourde pour les accusés présents a été prononcée contre Jean-Philippe Jean Louis, qui avait tenté d'aller en Syrie avec Abdel-Malik Petitjean et administrait depuis la Seine-et-Marne une chaîne Telegram qui avait un "rôle central" dans la propagande de l'EI, alimentant "la haine dans des esprits jeunes et souvent faibles".
La cour a condamné le jeune homme de 25 ans à treize ans de réclusion. L'accusation en avait requis quatorze.
- "Apaisement" -
Pour Farid Khelil, condamné à dix ans - le ministère public en avait demandé neuf - le président a souligné qu'il avait "constamment soutenu (son) cousin" Abdel-Malik Petitjean "dans sa volonté (...) de mener une action violente sur le territoire, renforçant sa détermination".
Ce Nancéien de 36 ans discutait sur Telegram d'un projet de départ en Syrie avec Jean-Philippe Jean Louis et Abdel-Malik Petitjean et avait hébergé ce dernier une dizaine de jours début juillet 2016.
Pour ces deux accusés, la peine est assortie d'une période de sûreté des deux tiers et de cinq ans de suivi socio-judiciaire après leur sortie.
Quant à Yassine Sebaihia, 27 ans, qui avait fait un aller-retour de 24 heures chez Adel Kermiche à Saint-Etienne-du-Rouvray deux jours avant les faits, la cour l'a condamné à huit ans de prison - un an de plus que demandé par l'accusation - et cinq ans de suivi-sociojudiciaire, se disant "nullement convaincue par (ses) protestations d'innocence".
Le jeune toulousain affirme avoir répondu à un appel d'Adel Kermiche à suivre des cours de religion, explication qui "ne résiste pas à l'analyse", selon la cour, qui estime au contraire que "c'est en connaissance de cause" qu'il a "rejoint le duo".
Yassine Sebaihia, en détention provisoire depuis près de six ans, est "déçu de ne pas avoir été acquitté", mais "ne fera pas appel", a réagi son avocate Katy Mira, saluant un "procès hors norme" marqué par "l'apaisement".
"Apaisée", c'est aussi le mot employé par Roseline Hamel, soeur du prêtre assassiné, expliquant que les paroles de "pardon" de Farid Khelil, mercredi matin lui avaient "fait beaucoup de bien" et qu'elle les espérait "sincères".
Fait rare dans la solennité d'une cour d'assises, les presque quatre semaines d'audience ont été marquées par plusieurs échanges directs et rapprochements physiques entre les accusés, leurs proches et les parties civiles.
Mercredi, en attendant l'énoncé du verdict, Roseline Hamel est allée voir sur les bancs du public les quatre soeurs de Jean-Philippe Jean Louis, pour "les réconforter, les assurer de l'amour et de l'espérance que j'ai à leur égard et à l'égard des accusés".
Elle a également donné aux trois accusés une photo de son frère, tandis que Catherine Favre, avocate du diocèse de Rouen et de l'archevêque Dominique Lebrun, a remis à l'intention de Jean-Philippe Jean Louis un exemplaire du "Petit Prince" de Saint-Exupéry.
Juste avant le verdict, Mgr Lebrun est lui-même allé "dire au revoir" à chacun des accusés dans le box.
T.Deshpande--BD