Tatouages et non-violence: la culture chicano à la mode thaïlandaise
Vendeurs ou employés de bureau le jour, ils dévalent la nuit les rues de Bangkok en Harley-Davidson et exhibent leurs corps couverts de tatouages: la culture chicano séduit des "gangs" thaïlandais qui jouent les gros bras... tout en prônant la non-violence.
Jeans et t-shirt amples, bandana, tatouage de la Vierge Marie sur le ventre, Al Pacino sur l'avant-bras. Chalakorn Arttanasiri, dit Leng, a tout d'un gangster chicano.
Après avoir grandi dans un bidonville et être tombé pour trafic de drogue, il s'est assagi et a monté une bande de quelques dizaines d'adeptes.
Chaque semaine, ils se réunissent près d'un marché de nuit au nord de la capitale thaïlandaise et s'exhibent sur leurs Harley-Davidson ou au volant de leur "lowrider", ces vieilles voitures customisées conduites à ras de terre.
"En temps normal, on s'habille comme tout le monde, mais pour les rassemblements, on sort notre panoplie pour avoir l'air +rock+ et tous se ressembler", sourit Leng.
La bande se retrouve pleinement dans le mode de vie chicano, mouvement né dans les années 1950 parmi les Américains d'origine mexicaine à Los Angeles, à des milliers de kilomètres de Bangkok.
Mais elle condamne la violence associée aux vrais gangs d'Amérique centrale ou des Etats-Unis.
"Nous ne pouvons aller nous battre avec d'autres gangs pour prouver notre supériorité. Nous vivons en paix parce que nous sommes dans un pays bouddhiste", relève le quadragénaire, à la tête d'une petite entreprise d'importation de vêtements chicanos.
"Nous sommes des citoyens respectueux des lois, nous aimons juste la sous-culture chicano", affirme un autre membre de la bande, Pongtep Singto. "Tout le monde a un travail honnête. Certains ont des tatouages partout sur le corps, mais ce sont tous de bonnes gens", assure-t-il.
En guise de rite initiatique, le novice doit tout de même recevoir pendant 13 secondes une volée de droites et de coups de pieds. "Juste un moyen de tester sa volonté", assure Leng.
Pour être accepté, il faut aussi être indépendant financièrement.
"Si on a pas de travail et qu'on vit encore avec l'argent de ses parents, cela signifie que l'on n'est pas assez mûr pour rejoindre le groupe", explique un des membres, Chaiya Nob.
"Notre style vestimentaire n'est peut-être pas approprié, mais nous sommes tous des citoyens respectables".
Cette culture prospère aussi beaucoup au Japon, avec des centaines d’adeptes à travers le pays.
MoNa, alias Sad Girl, l'une des rappeuses de style chicana les plus populaires de l'archipel, est connue dans le monde entier.
C.F.Salvi--BD