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Bombay Durpun - Pour l'opposition en Géorgie, la manifestation comme remède à la mélancolie
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Ani Bakhtouridzé, 32 ans, vient de passer une année difficile, comme une bonne partie de l'opposition en Géorgie. Très pro-européenne, cette manifestante trouve que le parti au pouvoir mène son pays "vers la Russie" et, pour elle, il y a de quoi se sentir "désespérée".
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"Nous avons voté pour l'Union européenne, pour la liberté, pour les droits humains. Et que fait notre gouvernement? L'exact inverse", dit-elle, criant pour se faire entendre au milieu de milliers de personnes réunies samedi dans la capitale de ce pays du Caucase, Tbilissi.
Ils sont rassemblés, pour le troisième soir de suite, pour protester contre la décision du gouvernement de repousser les discussions sur l'adhésion du pays à l'UE. Tous sont contre la politique du parti du Rêve géorgien, accusé de vouloir se rapprocher de Moscou.
Emmitouflée dans un gros manteau, Ani Bakhtouridzé explique avoir cru que tout s'arrangerait au moment des élections législatives d'octobre dernier, convaincue que l'opposition gagnerait.
Mais le Rêve géorgien, aux affaires depuis 2012, s'est finalement encore imposé, même si les résultats sont dénoncés par ses adversaires.
Autour d'elle, des proches ont commencé à évoquer l'idée de quitter le pays, trop déçus.
Mais il faut rester pour résister, estime-t-elle. Alors, "d'une façon ou d'une autre, on trouve de la force en nous-mêmes", dit la manifestante.
Une partie de son énergie, elle la tire des grands rassemblements qui agitent son pays depuis plusieurs jours. Elle dit y voir une façon de faire parler de la Géorgie, pour éviter que l'Europe n'"oublie".
Y être lui donne l'impression de faire "du bon travail", sourit Ani Bakhtouridzé.
- "Dévastée" -
La Géorgie, ancienne république soviétique, a été secouée par des vagues de manifestations depuis le printemps. Chaque fois, elles se sont finalement essoufflées sans offrir de réelle victoire à l'opposition.
Dès avril, des rassemblements d'ampleur avaient eu lieu pour protester contre une loi sur "l'influence étrangère", copie d'une législation russe répressive. Le texte a en fin de compte été voté.
Depuis, une autre législation restreignant les droits des personnes LGBT+ a été promulguée.
"A chaque fois que j'entends parler d'une nouvelle décision (du gouvernement), je suis dévastée", explique une autre manifestante, Ketevan Bakhtouridzé, 21 ans.
Mais en venant aux rassemblements de l'opposition, "je trouve des gens qui pensent comme moi", ajoute cette étudiante, qui estime que cela l'aide à tenir.
Ces événements sont aussi devenus un lieu de socialisation pour sa génération, vue comme le fer de lance du mouvement.
Ketevan Bakhtouridzé dit y croiser toutes ses connaissances, quand ce ne sont pas les amis de ses parents. "Ce serait parfois vraiment drôle, si ce n'était pas aussi triste."
- "Espoir" -
Les manifestations ont beau mettre du baume au coeur d'une opposition en mal de bonne nouvelle, elles n'en sont pas moins agitées.
Samedi, la police a dispersé les participants en utilisant notamment des canons à eau et du gaz lacrymogène à profusion.
"Même s'ils me battent ou s'ils m'arrêtent, je m'en fous (...), je dois venir ici", insiste Ketevan Bakhtouridzé.
Nikolozi Chargeichvili, 21 ans, long manteau en cuir et masque à gaz coloré autour du cou, se trouve à quelques mètres d'un cordon policier.
Pas effrayé, ce paysagiste dit au contraire se sentir "tellement fort" en voyant la foule compacte. Avec tous ces manifestants rassemblés, il est convaincu que le pouvoir n'a "aucune chance".
Nino Barliani, manager de 29 ans, dit pour sa part avoir conscience qu'un rassemblement, aussi massif soit-il, ne renversera probablement pas le gouvernement. Mais elle pense que petit à petit, l'opposition vaincra.
"L'espoir est la raison pour laquelle je suis là ce soir. On a confiance en l'avenir", dit-elle, dans un grand sourire.
Y croire ou pas, ce n'est pas même pas la question, estime Zack Tchkheidzé, professeur d'art de 40 ans.
Cela fait plus de dix ans qu'il est de toutes les manifestations, mécontent de la politique du parti du Rêve géorgien. Il compte continuer tant qu'il le faudra.
"Je n'ai pas besoin d'espoir, c'est mon pays", explique-t-il. "Si je ne me bats pas, personne ne le fera."