Areva, ancien géant du nucléaire, a accepté de payer une amende de 4,8 millions d'euros contre l'abandon des poursuites à Paris pour corruption d'agents publics étrangers en lien avec ses activités minières en Mongolie entre 2013 et 2017.
Cette amende, signée le 2 décembre dans le cadre d'une Convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) avec le parquet national financier (PNF), a été validée par le président du tribunal Stéphane Noël lors d'une audience lundi.
La société Orano Mining, à qui Areva a cédé ses activités minières, devra, elle, prendre en charge un programme de mise en conformité de 1,5 million d'euros maximum pendant trois ans sous le contrôle de l'Agence française anticorruption (Afa).
La validation d'une CJIP - la 22e négociée par le PNF - "n'emporte pas déclaration de culpabilité et n'a ni la nature ni les effets d'un jugement de condamnation", a rappelé M. Noël.
Pour Areva, il s'agissait de "traiter le passé et de pouvoir assumer les conséquences de cette enquête" et de "prendre l'amende à son compte parce (...) qu'elle avait été d'une certaine manière la grande responsable de cette activité", a plaidé son avocate Me Marion Lambert-Barret.
"Aujourd'hui nous sommes dans cette phase ultime où nous allons progresser encore avec l'aide de l'Afa pour être encore plus irréprochables", a déclaré Me Alexis Gublin, l'avocat de cette société.
"Orano Mining, société du groupe Orano fondée en 2018, s'est engagée au travers" de cette CJIP "au renforcement de son dispositif de conformité mis en place dès sa création", a de son côté réagi la société dans un communiqué.
L'enquête de l'Office anticorruption (Oclciff), lancée en 2015 après un signalement de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère de l'Economie, s'est concentrée sur le versement de 1,275 million d'euros à un homme d'affaire mongol entre 2014 et 2017 par la société Eurotradia International.
Eurotradia, détenue à l'époque par notamment Airbus, Thales et Dassault Aviation, avait signé avec Areva un contrat-cadre de service en 2010 pour une mission d'assistance financière, juridique et commerciale dans le cadre de l'obtention, auprès des autorités mongoles, de la signature d'un pacte d'actionnariat et de licences minières pour un montant total de quatre millions d'euros.
Eurotradia avait ensuite signé un contrat de consultant en 2014 avec l'homme d'affaires mongol pour aider Areva dans ses négociations avec la Mongolie.
- "Âpres négociations" -
Mais l'enquête a établi que ce Mongol "n'était nullement intervenu dans la signature du pacte d'actionnaires ou dans le processus de transfert de licences". Les fonds versés "avaient été investis dans un projet immobilier détenu à 80% par un agent public mongol de haut niveau intervenu dans le processus d'implantation des activités d'Areva en Mongolie", a rappelé le président.
Un second fonctionnaire "de haut niveau", intervenu lui aussi dans les négociations, a perçu 251.600 dollars (238.000 euros).
A l'issue des investigations, il est apparu qu'"Eurotradia est intervenue en tant que vecteur corruptif au soutien d'Areva Mines en Mongolie", a souligné Elodie Benaïem pour le PNF.
Le calcul de l'amende a donné lieu à des "échanges importants" et d'"âpres négociations", a précisé Céline Guillet, procureure adjointe au PNF. Compte-tenu de la restructuration d'Areva, disparue en 2018, et de la création d'Orano, seuls les chiffres d'affaires des exercices 2018 à 2020 ont été pris en compte, soit 68 millions d'euros en moyenne.
Parmi les facteurs majorants pour le calcul de l'amende, ont été retenues "la taille de l'entreprise, s'agissant d'un acteur mondial de référence de la filière nucléaire à l'époque des faits", "l'utilisation d'un intermédiaire commercial concourant à la dissimulation des agissements" et "l'implication d'agents publics de haut niveau".
Concernant les avantages tirés des manquements, "nous avons estimé que la rentabilité économique de ces projets mongols étaient en l'état inexistants et qu'ils n'avaient consisté qu'en des coûts", soit les 4 millions d'euros payés à Eurotradia, "et que l'aléa était très important", a exposé Mme Guillet.
Les mesures correctives mises en place par le groupe nucléaire, les audits internes ainsi que "l'unicité de l'occurrence des faits", font entre autres partie des facteurs minorants.
"Le sort des personnes physiques mises en cause et d'Eurotradia sera traité de façon distincte dans les semaines à venir", a rappelé Mme Benaïem.
R.Altobelli--BD