Le chef de l'opposition au Pakistan, l'ex-Premier ministre Imran Khan, incarcéré et cité dans 200 affaires, a subi un revers important vendredi, avec une condamnation à 14 ans de prison pour corruption.
Alors que ses lieutenants ont repris langue avec l'armée, faiseuse de roi dans le pays mais qui nie interférer en politique, et au lendemain d'une rencontre entre les cadres de son parti et le gouvernement, M. Khan a juré qu'il n'accepterait aucun compromis.
"Je ne passerai pas d'accord ni ne chercherai à alléger (ma peine)", a-t-il lancé vendredi à la presse dans la salle d'audience installée dans le complexe d'Adiala, la prison où il est incarcéré.
A ses côtés, sa troisième épouse, Bushra Bibi qui comparaissait libre, a été condamnée à sept ans de prison dans la même affaire portant sur des détournements de fonds de leur fondation Al-Qadir Trust, a annoncé le juge Nasir Javed Rana.
Naeem Panjotha, l'un des avocats du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de M. Khan, a affirmé à l'AFP qu'il interjetterait appel.
"Nous allons porter ce verdict en appel. Cette décision ne tiendra pas", a-t-il assuré.
Mashal Youssefzai, une représentante de Mme Bibi, a affirmé à l'AFP que cette dernière avait été "arrêtée dans l'enceinte du tribunal".
Celle qui fut la conseillère spirituelle de l'ancienne star du cricket mondial avant de l'épouser avait été libérée fin octobre de prison.
Elle avait notamment mené en novembre une démonstration de force du PTI aux portes du quartier gouvernemental d'Islamabad.
- Pas de compromis -
"Nous allons contester le verdict d'ici lundi et il sera suspendu dans les deux semaines", a assuré le sénateur PTI Ali Zafar à la presse. "Bushra Bibi sera bientôt libre puisque le verdict va être suspendu", a-t-il ajouté.
Le verdict finalement prononcé vendredi avait été plusieurs fois reporté en janvier.
Les experts y voient un moyen de pression de l'armée qui veut pousser M. Khan à se retirer de la vie politique après avoir précipité sa chute en 2022 après quatre années à la tête du gouvernement.
A Peshawar, bastion du PTI dans la province du Khyber-Pakhtunkhwa au nord du pays, plus de 150 militants se sont réunis devant l'assemblée provinciale pour exprimer leur colère, brandissant des pancartes et scandant des slogans contre l'armée.
"Ce verdict n'a pas été rendu par un juge mais par un général", a déploré auprès de l'AFP Qadir Nawaz, 54 ans, assurant que "cette décision ne fai(sai)t peur ni à Imran Khan, ni à ses militants".
Jeudi, M. Khan assurait sur ses réseaux sociaux qu'on lui avait "proposé un accord" sur ses affaires judiciaires.
"Je n'ai jamais détourné de fonds, donc pourquoi devrais-je accepter des compromis? Je ne me résignerai à aucun marché jusqu'à mon dernier souffle", écrivait-il.
Depuis qu'il a été évincé du pouvoir, M. Khan est en campagne contre l'armée, une institution pourtant intouchable depuis l'indépendance au Pakistan.
Le PTI, principale force d'opposition et premier groupe au Parlement mais évincé de la coalition gouvernementale, organise régulièrement des démonstrations de force pour réclamer sa libération.
"Imran Khan a défié le système", a assuré la militante du PTI Ayesha Bano, aussi venue manifester à Peshawar.
"Il menait un combat sincère pour ce pays", a-t-elle ajouté, "nous contesteront le verdict d'Imran Khan sur tous les fronts et quoi qu'il en coûte".
Jusqu'ici, les quatre condamnations prononcées contre lui ont été annulées en appel ou suspendues par des juges. Mais il reste incarcéré en attente des autres jugements.
En juillet, un panel d'experts de l'ONU avait dénoncé sa détention comme étant "arbitraire", et réclamé sa libération "immédiate".
G.Luthra--BD