Il est apparu dans un spectaculaire habit de plumes noires: le nouveau roi du peuple zoulou, puissant souverain coutumier couronné malgré une féroce guerre des clans au palais, a été intronisé samedi en Afrique du Sud devant une foule immense.
Dans la jeune démocratie aux 11 langues officielles, les souverains et chefs traditionnels sont reconnus par la Constitution. Rois sans pouvoir exécutif, ils exercent une grande autorité morale et sont profondément respectés par leur peuple.
Pour succéder à son père Goodwill Zwelithini, mort l'année dernière après 50 ans de règne, Misuzulu Zulu, 47 ans, a tué un lion quelques jours avant la cérémonie.
Il a ensuite passé une nuit dans "l'enclos à bétail" du palais de KwaKhangelamankengane, à Nongoma, petite ville de la province du KwaZulu-Natal (KZN, sud-est) et berceau de la nation zouloue.
Sorte de temple pour le "peuple du ciel", seuls quelques hommes connaissent les secrets de cet enclos et des rites qui y sont conduits. Le roi des Zoulous devait en ressortir samedi, adoubé par les ancêtres et couronné.
Dans l'attente de le voir apparaître, des milliers de guerriers "amaButho" vêtus de peaux de bêtes ont dansé et mimé la guerre, sous un soleil cuisant, aux abords du petit palais en marbre.
"C'est le grand jour, celui où notre roi monte officiellement sur le trône", a expliqué à l'AFP Themba Fakazi, 59 ans, qui fait partie des régiments de guerriers chargés de protéger le roi.
- Poètes du roi -
Des poètes du roi ont déambulé dans la foule, contant la légende du peuple guerrier. Les 11 millions de Zoulous du pays, soit quasiment un Sud-Africain sur cinq, sont des descendants de Chaka, chef charismatique et génie militaire qui a marqué l'histoire en remportant une sanglante bataille contre l'Empire britannique.
Les femmes ont arboré leurs plus belles tenues traditionelles ornées de perles colorées. D'autres se sont drapées de tissus à l'effigie du souverain avec l'inscription "Bayede", "Saluez le roi" en langue zouloue.
Des centaines de jeunes filles ont dansé les seins nus. Entrant tour à tour dans le cercle, elles ont levé la jambe haut avant de faire résonner leurs semelles sur le sol poussiéreux.
Des dizaines de vaches ont été tuées pour être servies aux invitées. Des déléguations de rois coutumiers des pays voisins étaient présentes, avec des cadeaux.
"La Nation zouloue entre aujourd'hui dans un nouveau chapitre. Je promets de travailler à l'unir", a déclaré Misuzulu Zulu lorsqu'il est apparu devant la foule.
Depuis plus d'un an, une dispute pour la succession empoisonne le palais. La première épouse du défunt roi et son clan contestent la légitimité de Misuzulu Zulu, né de la favorite du roi et troisième femme. Un recours de dernière minute samedi, pour tenter d'empêcher le couronnement, a échoué.
Le roi, dont le nom signifie "renforcer le peuple zoulou", a déjà deux épouses et quatre enfants.
"Il assure la stabilité et l'ordre dans son peuple", estime Ntokozo Malchathini, 31 ans, employé dans une entreprise de logistique.
Jouant un rôle de garant de la paix sociale dans son royaume, le roi des Zoulous reçoit un soutien de l'Etat.
Connu pour mener un train de vie fastueux, le roi Zwelithini percevait environ 75.000 euros par an pour son usage personnel, ainsi qu'un budget de 4,2 millions d'euros pour le fonctionnement du royaume, selon un barème du gouvernement.
Le souverain zoulou jouit de près de 30.000 km2 de terres - environ la superficie de la Belgique - gérées par un trust dont il est le seul administrateur et dont il peut tirer des loyers.
Après la cérémonie traditionnelle, le nouveau souverain doit être formellement reconnu par le président sud-africain Cyril Ramaphosa dans les prochains mois.
C.Jaggi--BD