Près de 400.000 ménages supplémentaires paieront l'impôt sur le revenu et quelque 18 millions le verront augmenter en 2025, selon le gouvernement Barnier, faute d'adoption du projet de budget 2025 qui prévoyait d'indexer le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation.
Le gouvernement de Michel Barnier est en effet tombé mercredi soir, sur une motion de censure adoptée avec les voix des députés de la gauche et du Rassemblement national, ouvrant une période de fortes incertitudes politiques et financières.
Invité de France 2 et TF1 mardi soir, Michel Barnier avait expliqué que si le projet de budget 2025 n'était pas adopté, "près de 18 millions de Français verront leur impôt sur le revenu augmenter, d'autres en paieront pour la première fois parce qu'on n'aura pas pu inscrire dans la loi de finances la réindexation qui est prévue (...) pour le barème des tranches d'impôt, c'est inéluctable".
Son ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, avait également estimé que 380.000 ménages supplémentaires entreraient mécaniquement dans l'impôt sur le revenu, en cas d'abandon du projet de budget.
Bercy s'appuie notamment sur une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) concernant l'impact d'un gel du barème de l'impôt sur le revenu publiée début octobre.
Que prévoit le projet de budget ?
Dans son projet de loi de finance 2025 (PLF), le gouvernement expliquait revaloriser de 2% les six tranches du barème de l'impôt sur le revenu pour protéger les contribuables de l'inflation.
"L'indexation du barème de l'IR (impôt sur le revenu, NDLR) sur le niveau de l'inflation hors tabac maintient en effet un niveau d'imposition identique à revenus stables en euros constants", détaillait le gouvernement dans le PLF.
L'indexation peut se faire sur "l'évolution des revenus des ménages observée l'année précédente", ou surtout dans les faits ces dernières années, sur l'inflation, note l'OFCE.
Le barème de l'impôt "est usuellement indexé chaque année", détaille Pierre Madec, économiste à l'OFCE et auteur de l'étude. "S'il n'y a pas de budget, il n'y a pas d'indexation automatique, et on reste sur les seuils de l'année précédente, ce qui équivaut à un gel".
Davantage de ménages imposés ?
Oui. Avec un gel total du barème de l'impôt en 2025, l'OFCE estime que 380.000 nouveaux ménages deviendraient imposables, alors qu'ils auraient été exonérés si l'indexation était appliquée.
Dans cette situation, le niveau de la deuxième tranche, à partir de laquelle les ménages sont imposés à 11%, reste identique au niveau de 2024.
Pour les 380.000 ménages supplémentaires imposés, il s'agit de "contribuables qui étaient à la limite de la première tranche d'imposition", en dessous de laquelle on ne verse pas l'impôt sur le revenu, "et qui se retrouvent à passer cette tranche, et donc à payer des impôts", détaille Pierre Madec.
Des augmentations d'impôts pour tous ?
Non, mais pour beaucoup. L'OFCE estime que 17,6 millions de ménages verraient leur IR augmenter en cas de gel du barème d'impôt en 2025. Un chiffre qui comprend les 380.000 ménages nouvellement imposables, précise Pierre Madec.
"Pour les ménages dont le revenu augmente, soit ils vont entrer dans l'impôt, soit ils vont être plus taxés dans leurs revenus en restant dans la même tranche, soit ils vont passer dans une tranche supérieure (...), ce qu'un dégel du barème pourrait empêcher", développe l'économiste.
Dans son étude, l'OFCE anticipe que les revenus soumis à l'IR devraient croître de 4,1% en 2024.
A noter que "même si on indexait le barème de l'IR sur l'inflation, on aurait quand même des ménages qui entreraient dans l'impôt et (d'autres qui) verraient leurs impôts augmenter, parce que leur revenu a augmenté plus vite que les prix", ajoute l'économiste. Car "les revenus en 2024 devraient augmenter plus que l'inflation".
Que permettrait la loi spéciale ?
Sans adoption des textes budgétaires avant le 31 décembre, les députés devront voter une "loi spéciale" pour assurer la continuité du fonctionnement de l'Etat.
Interrogé par l'AFP, le ministère du Budget estime qu'un ajustement du barème de l'impôt sur le revenu dans le cadre d'une loi spéciale comporte un "risque d'inconstitutionnalité" car le "caractère spécial de la loi fait que vous ne pouvez pas avoir de dispositifs fiscaux autres que ceux déjà établis par la précédente loi de finance (de 2024, NDLR)", précise-t-on.
Mais la question pourrait susciter un débat constitutionnel.
Selon le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Eric Coquerel (LFI), interrogé dans Les Echos, "le barème de l'impôt sur le revenu pourra parfaitement être modifié" dans le cadre d'une éventuelle loi spéciale.
W.Atwal--BD