Les agents publics, Education nationale en tête, font grève et manifestent jeudi pour alerter sur la "dégradation" de leurs "conditions de travail et de rémunération", une mobilisation qui intervient en pleine crise politique, au lendemain de la chute du gouvernement.
A Paris, Marseille et Lyon notamment, plusieurs milliers d'entre eux ont défilé pour dénoncer la "carence de démocratie sociale" ou la "casse" du service public.
Dans la Fonction publique d'Etat, 18,62% des agents faisaient grève jeudi à la mi-journée, soit plus de 246.000 personnes, en très grande majorité issues de l'Education nationale (238.000 personnes, soit 24,87% du secteur), a indiqué le ministère de la Fonction publique.
Près d'un enseignant sur trois (31,32%) est en grève, selon le ministère: 40,07% dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires) et 23,47% dans les collèges et lycées.
Le Snes-FSU, premier syndicat du second degré, annonçait lui 54% de professeurs grévistes dans les collèges et lycées à 10H15.
A Paris, un cortège de plusieurs milliers de personnes s’est élancé vers 14H00 sur la chaussée détrempée du pont de Bercy en direction de la place d'Italie, mené par les secrétaires générales de la CGT et de la CFDT, Sophie Binet et Marylise Léon. Le secrétaire général du Parti socialiste Olivier Faure ou la présidente (LFI) de la commission des affaires économiques de l'Assemblée Aurélie Trouvé étaient également présents.
"La goutte d'eau des trois jours de carence, c'est un sentiment partagé par tous les enseignants, on a le sentiment d’être piétinés", a confié Sylvie Chastanet, 59 ans, enseignante à Montrouge, en référence à une mesure défendue par le ministre de la Fonction publique démissionaire, Guillaume Kasbarian.
Juste avant, lors d'un point-presse de l'intersyndicale (CGT, CFDT, UNSA, FSU, CFE-CGC, Solidaires et FA-FP) près du ministère de l'Economie et des Finances, Marylise Léon, a dit rester "prudente" malgré la chute du gouvernement, craignant que "ces mauvaises idées" ne soient reprises "à un moment où à un autre".
"C'est grâce aux fonctionnaires que le pays tient" et ils "n'en peuvent plus d'être stigmatisés", a estimé Sophie Binet, évoquant une mobilisation "d'un niveau inédit" qui dit "la gravité de la situation que vit la fonction publique".
Cette journée doit lancer une "alerte sur la dégradation des conditions de travail et de rémunération en direction du futur gouvernement et des parlementaires qui auront à construire les prochaines lois de finances pour 2025", a déclaré plus tôt à l'AFP Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique.
A Paris, cinq lycées étaient totalement ou partiellement bloqués, a indiqué le rectorat avec plusieurs centaines de lycéens mobilisés.
Une centaine de personnes a ainsi bloqué dans la matinée l'accès au lycée Buffon (XVe arrondissement). "On veut être solidaire de nos profs en grève et montrer un minimum de soutien sachant qu'ils sont déjà très peu payés", a lancé Léa, étudiante en terminale.
A Dijon, un jeune homme a été interpellé après le jet d'un projectile enflammé qui a légèrement blessé le proviseur d'un lycée en marge d'un rassemblement.
- "Casse du service public" -
A Marseille, 4.700 personnes ont manifesté dans la matinée, tandis que 3.500 étaient rassemblées à Lyon, selon la police.
"On est là parce qu'on a des gouvernements qui se succèdent et qui cassent le service public par des réformes qui visent à détruire nos métiers, notre statut et les services publics", a lancé Fabien Rengade, agent territorial et membre d'une coordination syndicale dans les Bouches-du-Rhône.
"Le fait que le gouvernement soit tombé, ça ne change pas, car il y a clairement une majorité de droite qui cherche à faire une politique assez dure contre le service public", a déploré Olivier Rubat fonctionnaire de 54 ans dans le cortège lyonnais.
La FSU-Snuipp, syndicat majoritaire dans le primaire, avait annoncé "65% de grévistes" dans les écoles et jusqu'à "78% de grévistes et plus de 300 écoles fermées en Seine-Saint-Denis".
L'annonce fin octobre par le gouvernement démissionnaire d'un plan de lutte contre l'"absentéisme" des fonctionnaires pour dégager 1,2 milliard d'euros d'économies a progressivement tendu les relations entre les syndicats d'agents et le ministre désormais démissionnaire de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, avant d'aboutir à une rupture du dialogue social.
Le gouvernement justifiait ces dispositions par la nécessité de faire des "économies" pour relever des finances publiques en berne et ramener le déficit de 6,1% attendu en 2024 à 5% du PIB en 2025.
Les syndicats exigeaient notamment qu'il renonce à trois mesures qui ont cristallisé la colère des agents: le passage d'un à trois jours de carence pour les fonctionnaires malades, la réduction de 100% à 90% de la rémunération en cas d'arrêt maladie, et la non-reconduction du versement d'une prime en soutien au pouvoir d'achat.
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C.F.Salvi--BD