Les agriculteurs envisagent de "durcir" leur mouvement après la "gueule de bois" de la censure / Photo: Ed JONES - AFP
Les syndicats agricoles envisagent de "durcir" leur mobilisation dans les prochains jours pour protester contre la vacance gouvernementale, qui reporte la concrétisation des promesses qui leur ont été faites et affaiblit le barrage de la France contre l'accord de libre-échange avec le Mercosur.
"Avec la censure [du gouvernement de Michel Barnier] et [la présidente de la Commission européenne] Ursula von der Leyen partie en Uruguay" dans le but de conclure un accord de libre-échange avec des pays du Mercosur, "les actions vont évoluer, se durcir", a déclaré vendredi à l'AFP le secrétaire général des Jeunes agriculteurs (JA), Quentin Le Guillous.
Fin novembre, l'alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA avait annoncé un troisième round de manifestations pour les 9 et 10 décembre.
Les deux premiers rounds étaient axés sur l'opposition à la signature de cet accord de libre-échange avec le Mercosur, négocié depuis une vingtaine d'années, et la dénonciation des "entraves" à l'exercice du métier d'agriculteur. Le dernier devait se concentrer sur la défense d'un meilleur revenu.
"On n'oublie pas le revenu. On prévoit des visites de GMS [grandes et moyennes surfaces] pour dénoncer les prix trop bas [pour rémunérer correctement les producteurs selon les syndicats] et contrôler l'origine des produits", a expliqué M. Le Guillous.
Mais "on appelle en plus [le réseau FNSEA-JA] à aller à la rencontre de tous les députés pour demander des comptes" après la censure du gouvernement, qui portait notamment dans les projets de budget 2025 et celui de financement de la Sécurité sociale des mesures réclamées par les syndicats (allègements fiscaux et du coût du travail des saisonniers, annulation de la hausse de la fiscalité sur le gazole agricole...), a-t-il ajouté.
M. Le Guillous a insisté sur le fait que des rendez-vous seraient demandés à "tous les députés", "ceux qui ont voté la motion et ceux qui ne l'ont pas votée", pour chercher des solutions afin de mettre en œuvre les promesses faites aux agriculteurs depuis l'hiver dernier.
"On n'est pas en train de dire qu'on soutenait tel ou tel gouvernement, mais on veut que ça avance", a-t-il souligné.
Les syndicats agricoles redoutent de surcroît une signature imminente de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et des pays du Mercosur. La présidente de la Commission européenne est à Montevideo pour finaliser les négociations sur ce traité controversé, malgré l'opposition de la France et de la Pologne.
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, avait qualifié la lutte contre ce traité de "combat existentiel" pour l'agriculture française.
- Refus des contrôles -
Lors d'un meeting FNSEA-JA mercredi soir, M. Rousseau avait reconnu une certaine "gueule de bois" de voir "pour la deuxième fois en moins de six mois le travail (...) réalisé (...) partir à la rivière", en référence aux flottements suscités par la dissolution de l'Assemblée nationale puis la censure du gouvernement de Michel Barnier.
M. Rousseau avait lancé dans la foulée que les agriculteurs n'accepteraient plus de contrôles par l'administration dans leurs fermes "tant que les promesses ne sont pas tenues".
Les sections locales FNSEA-JA ont commencé à relayer ce message.
"A compter de ce jour, aucun contrôleur ne pourra franchir le seuil de nos fermes tant que les promesses ne sont pas honorées", ont prévenu les organisations de Seine-Maritime vendredi dans un communiqué.
"Nous invitons tous les agriculteurs qui seraient confrontés à un contrôle dans les prochains jours à nous avertir", ajoutent-elles.
"Ce refus sera signifié à l'administration concernée", écrivent aussi la FNSEA et les JA d'Indre-et-Loire, dans un communiqué vendredi.
Les manifestations d'agriculteurs ont repris à quelques semaines de leurs élections professionnelles, qui déterminent la gouvernance des chambres d'agriculture et les subsides versés à chaque syndicat.
Engagé dans un duel avec l'alliance majoritaire, le syndicat Coordination rurale mène aussi des actions. Vendredi matin, plusieurs dizaines de militants ont tenté de pénétrer dans le marché de gros de Rungis (au sud de Paris). Une vingtaine a finalement été reçue par la direction et a pu arpenter brièvement les allées du pavillon des viandes.
X.Badami--BD