Le couperet est tombé: le PDG du groupe Indexia, Sadri Fegaier, a été condamné mardi à Paris à 2 ans de prison dont 16 mois ferme, ainsi qu'à une amende de 300.000 euros, pour des pratiques commerciales trompeuses concernant les demandes de résiliation et de remboursements de contrats d'assurance pour téléphones et ordinateurs.
Le tribunal correctionnel de Paris, qui a qualifié l'affaire d'"exceptionnelle", au vu des milliers de victimes dans ce dossier, a également condamné six sociétés du groupe à des amendes allant de 150.000 euros à 1,5 million d'euros.
Il n'a pas ordonné l'exécution provisoire de la peine de prison ferme pour M. Fegaier, comme l'avait requis le parquet lors de l'audience.
La partie ferme n'est pas aménageable, et les 8 mois de prison restants sont assortis du sursis probatoire pendant deux ans, au cours desquels M. Fegaier devra rembourser les victimes et le Trésor public, a précisé la présidente, qui a lu pendant deux heures la décision.
Il a aussi été condamné à une interdiction de diriger ou de gérer une entreprise pendant cinq ans, et plusieurs de ses biens immobiliers ont été saisis.
Une peine qui a tenu compte du fait que l'homme d'affaires de 45 ans, jugé coupable de pratiques commerciales trompeuses entre 2014 et 2023, n'a exprimé "aucune remise en question" ni "à aucun moment démontré une quelconque volonté d'amendement" lors du procès, a souligné la magistrate.
- "Détresse" -
A l'issue du délibéré, M. Fegaier et ses avocats sont sortis de la salle d'audience sans faire de commentaire.
"C'est vraiment une condamnation exemplaire", a estimé Me Emma Leoty, avocate de plusieurs victimes.
"C'est une décision à la hauteur de la gravité des faits, qui a tenu compte de la détresse des consommateurs", a abondé Me Alexis Macchetto, avocat de l'association de consommateurs UFC-Que choisir.
Le PDG, avec les sociétés SARL SFK Group, SFAM Celside Insurance, Foriou, Cyrana, Hubside et Serena, ont comparu fin septembre à Paris, soupçonnés d'avoir fait souscrire indument à des centaines de consommateurs des contrats d'assurances pour leurs appareils multimédia (ordinateurs, téléphones).
Il leur était notamment reproché d'avoir élaboré une procédure complexe ayant pour objectif de les décourager dans leurs demandes de résiliation ou de remboursements.
L'empire Indexia, dont la holding et plusieurs entités ont été placées en liquidation judiciaire en mai, est principalement connu pour avoir vendu des assurances dites affinitaires dans les magasins Fnac-Darty entre 2017 et 2019, mais également dans ses propres boutiques Hubside.Store.
Au moment de leurs achats, les consommateurs se voyaient proposer des assurances pour une quinzaine d'euros par mois.
Des années plus tard, ils sont des centaines à avoir vu les prélèvements se multiplier, atteignant jusqu'à des dizaines de milliers d'euros au total, sans avoir signé d'avenant ou affirmant n'avoir même jamais signé de contrat d'assurance.
- "Déloyauté" -
Faute de réponse des sociétés concernées, des clients abusés avaient alerté UFC-Que choisir et transmis des signalements à la répression des fraudes, qui avait ouvert une enquête en 2018.
Celle-ci s'était soldée en 2019 par une transaction pénale de 10 millions d'euros.
Les réclamations avaient pourtant continué, de nombreux consommateurs dénonçant des demandes de résiliation et de remboursement jamais appliquées. La justice a chiffré à 22 millions d'euros le montant des remboursements non satisfaits.
A l'audience, près de 2.000 personnes se sont constituées parties civiles.
Le tribunal a considéré que le groupe avait poursuivi, pendant près de 10 ans, "ses pratiques délictuelles pour assurer le maintien de sa croissance et de son chiffre d'affaires".
"La déloyauté des pratiques mises en évidence était la condition même de la survie de la société", a-t-il estimé.
"Ca concrétise la fin d'une aventure qui au final a fait quand même pas mal de dégâts chez les salariés puisqu'aujourd'hui ils sont parfois en difficulté pour retrouver un travail du fait de la réputation de leur précédent employeur", a réagi auprès de l'AFP le délégué syndical CFDT d'Indexia Nicolas Zeimetz.
"On peut penser raisonnablement que ce n'est pas la fin des mésaventures de Sadri Fegaier avec la justice parce qu'il y a fort à parier que les victimes, les clients, continuent leurs actions", a-t-il pronostiqué. Plusieurs procédures au civil ont été lancées.
F.Mahajan--BD