Soucieux de se renforcer dans l'électrique, le géant japonais de l'automobile Honda envisage une fusion avec son compatriote en difficulté Nissan, qui suscite également selon la presse l'appétit du champion taïwanais de l'électronique Foxconn.
Voici les enjeux autour du sort de Nissan, partenaire du français Renault.
L'automobile, secteur dans la tourmente
Une partie de l'industrie automobile mondiale est laminée par l'essoufflement du marché et la transition compliquée et coûteuse dans l'électrique, un créneau dominé par les constructeurs chinois, BYD en tête.
Dopée par l'essor de l'électrique, la Chine a dépassé le Japon comme premier pays exportateur de véhicules en 2023.
Les constructeurs étrangers voient, eux, leurs ventes s'effondrer en Chine, premier marché mondial, face à une consommation maussade et à la concurrence acérée des marques locales.
A l'instar de l'allemand Volkswagen, les constructeurs nippons, dépendants du marché chinois, ne sont pas épargnés.
Et s'étant focalisés sur les hybrides (associant motorisation thermique et électrique), ils sont bousculés au Japon même par l'arrivée des modèles électriques de BYD, de l'américain Tesla et du sud-coréen Hyundai.
Nissan dans l'impasse, l'appétit de Foxconn
Nissan a vu ses ventes plonger en juillet-septembre aux Etats-Unis (-2,3%) comme en Chine (-13%), ses deux marchés-clés, entraînant une perte nette trimestrielle inattendue. Sur six mois, sa marge opérationnelle a presque totalement fondu.
Or, Nissan est massivement endetté avec environ 1,6 milliard de dollars de créances arrivant à échéance l'an prochain, puis 5,6 milliards de dollars en 2026, selon Bloomberg.
Début novembre, le groupe a annoncé supprimer 9.000 postes dans ses effectifs mondiaux et tailler dans ses capacités.
Affaibli, il suscite les convoitises: le géant taïwanais de l'assemblage électronique Foxconn (Hon Hai), fournisseur d'Apple et désireux de se diversifier, a vainement approché le constructeur nippon pour acquérir une participation majoritaire, selon Bloomberg.
Foxconn serait désormais en pourparlers avec Renault pour lui racheter sa participation dans Nissan, a assuré jeudi l'agence taïwanaise Central News Agency. Selon elle, le directeur de la stratégie de Foxconn, Jun Seki, lui-même ancien de Nissan, s'est rendu en personne en France.
Pour Honda, le pari d'économies d'échelle
Selon la presse nippone, des pourparlers entre Nissan et Honda sur une éventuelle fusion -scénario reconnu "possible" par Honda- pourraient débuter dès lundi.
Les deux constructeurs avaient annoncé en mars un protocole d'accord pour un "partenariat stratégique" dans les plateformes de logiciels et composants pour véhicules électriques. Initiative qu'a rejoint en août Mitsubushi, dont Nissan est l'actionnaire majoritaire.
"L'escalade des coûts de développement des véhicules électriques et des batteries rend nécessaire la coopération" pour investir davantage et sécuriser ses chaînes d'approvisionnement, indique Tatsuo Yoshida, analyste de Bloomberg Intelligence.
Face à une rentabilité toujours plus limitée, "Honda doit muscler sa compétitivité" grâce à des économies d'échelle, tranche Seiji Sugiura, expert de Tokai Tokyo Intelligence.
Honda avait annoncé en mai vouloir doubler ses investissements dans l'électrification d'ici 2030, visant 100% de véhicules électriques d'ici 2040. Sa gamme n'en comprend actuellement aucun.
Faute de taille critique, il peine à développer les technologies requises. Il vient d'échouer dans ses négociations avec General Motors pour développer un véhicule commun, et la marque Afeela qu'il a crée en 2022 avec Sony n'a commercialisé aucun modèle.
Nissan, lui, avait lancé dès 2010 la première voiture électrique grand public au monde (la Leaf), sans capitaliser sur ce modèle pionnier.
Que pèserait un ensemble Honda-Nissan?
Honda et Nissan sont respectivement les deuxième et troisième constructeurs japonais derrière Toyota. Mitsubishi pourrait les rejoindre au sein d'une holding unique, selon les projets évoqués par la presse nippone.
Leur rapprochement donnerait naissance au numéro trois mondial du secteur, derrière Toyota et Volkswagen.
A eux trois, Honda, Nissan et Mitsubishi cumulaient 4 millions de véhicules vendus au premier semestre 2024 (environ 1,7 million pour Nissan et 1,8 pour Honda), contre 5,16 millions pour Toyota.
Equation compliquée d'un mariage inégal
Une fusion Honda-Nissan ne serait pas un mariage entre égaux: Honda est valorisé en Bourse quelque 41,6 milliards de dollars contre 10,6 milliards pour Nissan.
"Vu l'affaiblissement financier de Nissan, Honda pourrait chercher à peser davantage dans la gouvernance", prévient M. Yoshida, anticipant des négociations "très compliquées".
Et les deux groupes produisent des modèles similaires pour les mêmes marchés, avivant le spectre de restructurations potentiellement coûteuses en emplois.
Enfin, les scénarios étudiés pourraient accélérer le détricotage de l'alliance historique de Nissan avec Renault, qui en détient encore 35,6%.
"Contrairement à sa relation conflictuelle avec Renault, la stabilité financière et l'orientation technologique de Honda" offre à Nissan un partenariat "plus équitable", estime M. Yoshida.
V.Ishfan--BD