Dépourvu d'un budget en bonne et due forme pour 2025, le gouvernement a reconduit in extremis des plafonds de crédits des ministères initialement accordés pour 2024, mais compte les limiter aux "dépenses essentielles" jusqu'à l'adoption d'un budget.
A partir du 1er janvier, les ministères pourront continuer d'engager des dépenses dans la limite de ce que prévoyait la loi de finance initiale de 2024, selon un décret publié mardi au Journal officiel.
Ils devront toutefois ne consommer que "le minimum de crédits que le gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics", a indiqué le ministère des Comptes publics à l'AFP, notamment ce qui concerne les "dépenses essentielles".
Cela inclut, entre autres, le paiement des salaires des fonctionnaires ou le versement des prestations sociales. Mais, par exemple, "aucune création nette d'emplois n'interviendra pendant" cette période, précise une circulaire envoyée aux ministres.
Les dépenses de fonctionnement sont limitées à celles "strictement nécessaires", et les ministères ne devront pas conclure de nouveaux contrats, prendre de nouvelles participations financières ou réaliser de nouveaux investissements, sauf s'ils sont "absolument indispensables".
Consulté par l'AFP, ce document précise que 75% des crédits accordés mardi par le décret seront gelés début 2025.
Ce gel de crédits se fera jusqu'à l'adoption par le Parlement d'un budget pour 2025. D'autres crédits pourraient toutefois être débloqués si le budget tardait à être adopté.
Le Premier ministre François Bayrou espère une adoption "à la mi-février", sans toutefois être "sûr d'y arriver". Il compte pour ce faire repartir de "la copie qui a été votée" au Parlement avant la censure du gouvernement de son prédécesseur, Michel Barnier.
Pour le député LFI et président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale Eric Coquerel, il y a urgence, car les reports des crédits accordés en 2024 mais non dépensés doivent être validés d'ici le 15 mars. "Si aucun budget n'est voté d'ici là, 16 milliards d'euros qui ont été gelés au printemps dont 4 ont été annulés, seront considérés comme perdus", a-t-il estimé auprès de l'AFP.
Prêt aux "compromis" avec l'opposition, le nouveau ministre de l'Économie, Éric Lombard doit inviter tous les partis représentés au Parlement à venir en discuter à Bercy.
- Une loi spéciale dans l'urgence -
Le précédent gouvernement avait présenté en octobre son projet de budget pour 2025, déficitaire comme c'est le cas en France depuis 1975 malgré les économies envisagées.
Parmi les pistes proposées, comme la désindexation partielle des retraites l'an prochain, certaines ont déplu aux députés du Rassemblement national et de la gauche, qui ont voté le 4 décembre la censure du gouvernement, empêchant l'adoption du projet de budget.
Dans l'attente de l'adoption d'un nouveau budget, le Parlement a voté mi-décembre une loi spéciale qui permet à l'exécutif de continuer de prélever l'impôt, d'emprunter pour financer l'Etat et la Sécurité sociale et de dépenser les crédits sur la base du budget 2024.
La loi spéciale ne permet toutefois pas de pratiquer la traditionnelle indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu au 1er janvier, ce qui ne devrait pas avoir d'impact dans l'immédiat, mais pourrait augmenter les impôts de certains ménages après la déclaration de revenus au printemps, si aucun budget n'était adopté d'ici là.
- Déficit excessif -
Autre conséquence: les retraites de base vont être davantage augmentées que ce que prévoyait le gouvernement de M. Barnier dans son projet, à 2,2%.
Pareillement, le bouclier tarifaire sur l'électricité prendra fin au 1er février mais sans la hausse de taxe envisagée. Une aubaine pour les ménages qui bénéficieront d'une baisse de 14% de leur facture.
La dette publique de la France a atteint fin septembre 113,7% du PIB, soit 3.303 milliards d'euros, l'une des plus élevée de la zone euro, tandis que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB cette année, ce qui vaut au pays une procédure pour déficit excessif par la Commission européenne.
Eric Lombard souhaite, dans le budget qui sera voté en 2025, que le déficit soit inscrit "un peu au-dessus de 5 %" du PIB, "de façon à protéger la croissance". Cela implique d'éventuelles hausses d'impôt "très limitées" mais surtout "des économies supplémentaires", a-t-il indiqué.
T.Deshpande--BD