Le décompte macabre s'est poursuivi au-dessus du puits d'or désaffecté d'Afrique du Sud avec 78 corps de mineurs clandestins extraits depuis le début de la semaine, a annoncé mercredi la police qui cerne le site depuis des mois pour déloger ces travailleurs illégaux.
Le bilan pourrait en rester là car les opérations de secours touchent à leur fin. "Deux volontaires sont remontés à la surface et nous ont indiqué qu'ils avaient ratissé le sous-sol et qu'il n'y avait plus de cadavres ou de personnes en vie sous terre", a indiqué le chef de la police de la province du Nord-Ouest Patrick Asaneng lors d'un point presse.
Une ultime "opération de ratissage" est prévue jeudi matin, a-t-il ajouté. Au moyen d'une "caméra" et d'un "système d'enregistrement vocal", a précisé le patron de la société de secours Mannas Fourie, à la chaîne de télévision Newzroom Afrika.
Auparavant chaque aller-retour de la nacelle, descendue au moyen d'un treuil spécialisé dans le puits de Stilfontein, à environ 150 km au sud-ouest de Johannesburg, empilait davantage de corps de mineurs en surface.
Selon l'ultime décompte policier, un total de 246 mineurs sont sortis vivants de ce puits profond de 2,6 km aux airs de ville souterraine avant le début de l'opération. Les survivants sont souvent en piètre état au vu des membres décharnés de ceux qui ont émergé de cette mine aurifère.
Un nombre incertain de mineurs clandestins y demeuraient depuis des mois sous terre, trop faibles pour remonter par la seule corde qui leur permettait de revenir à la surface auparavant, selon plusieurs témoignages.
La police les avaient estimés à plusieurs centaines lorsqu'elle a commencé il y a plus de deux mois à limiter au minimum le ravitaillement en eau et nourriture du site. Cette stratégie visant à les pousser à sortir lui vaut aujourd'hui d'être accusée d'avoir provoqué la mort d'une partie de ces "zama zamas" ("Ceux qui essaient" en zoulou), comme sont appelés les mineurs clandestins.
"Personne n'a empêché qui que ce soit de sortir", a balayé mercredi la porte-parole de la police Athlenda Mathe. "En fournissant de la nourriture, de l'eau et des produits de première nécessité à ces mineurs illégaux, la police aurait entretenu des activités minières illégales et laissé prospérer la criminalité."
Une vidéo transmise à l'AFP lundi par l'ONG Macua, qui défend les communautés affectées par les activités minières, montrait ce qui s'apparentait à des dizaines de dépouilles emballées dans l'obscurité des galeries.
Plus de 1.500 mineurs clandestins, pour la plupart étrangers, ont été arrêtés sur le site par la police depuis août.
Parmi ceux ressortis vivants depuis lundi "128 personnes ont été confirmées comme étant originaires du Mozambique, 80 du Lesotho, 33 du Zimbabwe et seulement 5 d'Afrique du Sud", a détaillé le responsable policier de la province Patrick Asaneng.
- Désaffecté depuis une décennie -
Les hommes au visage émacié sortis mardi du puits ont tous été soumis à une fouille au détecteur de métal par la police pour s'assurer qu'ils ne remontaient aucune pépite d'or du sous-sol.
"Nous allons les enfumer et ils sortiront", avait lancé en novembre la ministre auprès de la présidence, Khumbudzo Ntshavheni, suscitant des réactions indignées.
Sur ce site minier proche de l'Etat Libre, situé sur l'autre berge de la rivière Vaal à seulement 5 km, des vivres et de l'alcool parvenaient aux hommes en sous-sol avant l'opération de police, générant toute une économie informelle.
La fermeture de l'ultime puits, le numéro 10, il y a dix ans a plongé la zone dans le marasme.
Ces "zama zamas" sont des dizaines de milliers en Afrique du Sud et souvent sous la coupe de gangs criminels. Ce qui leur a tissé une mauvaise réputation auprès d'une part de la population sud-africaine.
Beaucoup sont étrangers --98,5% des mineurs arrêtés sur le site de Stilfontein d'après le ministre des Ressources minérales, Gwede Mantashe--, ce qui vaut encore plus d'intransigeance envers les "zama zamas" dans un pays où les flambées xénophobes sont récurrentes.
"C'est une activité criminelle. Il s'agit d'une attaque sur notre économie par des ressortissants étrangers", a martelé mardi le ministre.
Le bilan peut-être final de Stilfontein est "jamais vu en Afrique du Sud", fustigeait mardi auprès de l'AFP Zinzi Tom, 31 ans, dont le frère vit au coeur des galeries souterraines depuis juillet.
"Ce n'est pas le prochain Marikana mais déjà le massacre de Stilfontein", accusait-elle dans un parallèle avec la mort en 2012 de 34 mineurs en grève à Marikana, sur lesquels la police avait ouvert le feu.
V.Ishfan--BD