Après Joe Biden, une ONG de premier plan a dénoncé lundi l'émergence d'une "oligarchie" de milliardaires dangereuse pour la démocratie, qui profite du retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, juste avant l'ouverture du rendez-vous traditionnel des riches et puissants à Davos.
La réunion annuelle du Forum économique mondial dans la station des Alpes suisses s'ouvre lundi soir, au moment de la cérémonie d'investiture du 47e président américain à Washington, où sont attendus les hommes les plus riches du monde.
"Une nouvelle oligarchie aristocratique, héritière de milliers de milliards, exerce un pouvoir tentaculaire sur nos systèmes politiques et économiques", dénonce lundi Oxfam dans son rapport sur les inégalités, qui dresse d'année en année le constat d'une hausse de la fortune des super-riches.
"Le joyau de la couronne dans cette oligarchie, c'est un président milliardaire, soutenu et acheté par l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, et dirigeant la plus grande économie mondiale", fustige Amitabh Behar, le directeur exécutif de l'ONG.
Le patron du constructeur automobile Tesla et de l'entreprise spatiale SpaceX, également propriétaire du réseau social X, a largement financé la campagne de Donald Trump et obtenu une mission extra-gouvernementale pour couper dans les dépenses publiques.
Le président sortant des Etats-Unis Joe Biden a lui-même déploré le mélange entre intérêts financiers et politiques, évoquant l'apparition d'un "complexe technologico-industriel" et disant craindre de voir l'Amérique tomber aux mains d'une "oligarchie".
D'après Oxfam, la fortune des milliardaires s'est envolée l'an dernier de 2.000 milliards de dollars à l'échelle mondiale, soit trois fois plus qu'en 2023, pour atteindre 15.000 milliards. Et "les politiques défendues par le président Trump devraient faire flamber les inégalités", prévient l'ONG.
- 1.000 milliards de dollars -
"Taxez les riches" était l'un des slogans des manifestants qui ont bloqué dimanche la route d'accès à Davos pour protester contre la réunion du Forum économique mondial. Plusieurs centaines ont été délogés par la police, selon l'agence Keystone-ATS.
"Le Forum économique mondial symbolise le pouvoir que détiennent les gens riches comme moi", a expliqué à l'AFP l'Autrichienne Marlene Engelhorn, qui a redistribué l'année dernière son héritage de 25 millions d'euros à diverses organisations.
"Simplement parce que nous sommes nés millionnaires, ou parce que nous avons eu de la chance une fois (...), nous pouvons désormais influencer les politiciens du monde entier avec nos préférences politiques", a-t-elle dit.
Oxfam calcule que cinq hommes peuvent prétendre arriver à une fortune de 1.000 milliards de dollars dans les dix ans, quand "le nombre de personnes prises au piège de la pauvreté n'a presque pas évolué depuis 1990".
Mille milliards, c'est déjà la fortune cumulée des quatre hommes les plus riches au monde, tous Américains et issus de la tech: Elon Musk, Jeff Bezos (Amazon, Blue Origin), Mark Zuckerberg (Meta) et Larry Ellison (Oracle).
Les trois premiers, attendus lundi à la cérémonie d'investiture, "possèdent aujourd'hui plus de richesses que la moitié la plus pauvre de la société américaine", a critiqué Bernie Sanders, figure de la gauche aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, "on est dans la situation de pouvoir s'acheter un pays", a dénoncé la patronne d'Oxfam France, Cécile Duflot, au cours d'une conférence de presse.
Elon Musk s'est aussi invité ces dernières semaines dans les débats politiques au Royaume-Uni et en Allemagne.
Donald Trump a nommé d'autres milliardaires dans sa nouvelle administration, et de riches hommes et femmes d'affaires à des postes d'ambassadeurs ou de directeurs d'agences fédérales.
Leur point commun est souvent d'avoir contribué financièrement à sa campagne.
"Je n'ai pas envie de vivre dans un pays avec une poignée de riches personnes et énormément de personnes pauvres", a dit par téléphone à l'AFP Morris Pearl, retraité new-yorkais qui a fait carrière dans la finance et fait partie de "millionaires patriotes", qui réclament d'être taxés davantage. "Je crains que nous ne soyons confrontés à des troubles civils si nous ne changeons pas les choses."
Plus de 60 chefs d'Etats et de gouvernement sont attendus cette semaine à Davos, avec pour point d'orgue jeudi une intervention en visioconférence de Donald Trump.
R.Prakash--BD