Dix personnes sont en garde à vue jeudi soir, soupçonnés d'être impliqués dans le kidnapping et la séquestration, avec actes de torture, du cofondateur d'une société spécialisée dans la sécurisation de cryptoactifs et de sa compagne, depuis libérés.
Une information judiciaire sera ouverte vendredi, notamment pour "enlèvement et séquestration en bande organisée", accompagnés d'"actes de torture ou de barbarie" ainsi qu'"extorsion avec arme", a indiqué la procureure de Paris Laure Beccuau, dont la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) est chargée des investigations.
Ces dix suspects, neuf hommes et une femme âgés de 20 à 40 ans, ont été notamment interpellés à Châteauroux (Indre) pour trois d'entre d'entre eux et à Étampes (Essonne) pour six.
La plupart étaient connus de la justice pour des faits de droit commun, mais pas pour liens avec la criminalité organisée, selon Mme Beccuau, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse à Paris.
Interrogée sur l'éventualité d'un commanditaire encore non identifié, voire à l'étranger, Mme Beccuau a simplement répondu que les investigations se poursuivaient pour "identifier tous les acteurs".
- Main mutilée -
L'enlèvement a eu lieu mardi, au "petit matin".
David Balland, cofondateur et ex-employé de Ledger, ainsi que sa compagne ont été kidnappés à leur domicile à Méreau dans le Cher.
L'un est emmené à Châteauroux, l'autre est séquestrée dans plusieurs lieux.
L'alerte est donnée par Eric Larchevêque, cofondateur de l'entreprise: il a reçu une vidéo d'un doigt mutilé de David Balland et une demande de rançon, selon une source proche du dossier.
C'est une "importante rançon en cryptomonnaie" exigée, a dit le parquet, sans en préciser jeudi le montant.
"Une partie" de cette "rançon a été versée dans le cadre de la négociation" avec les forces de l'ordre, mais "la majorité des cryptomonnaies ont été saisies et gelées", a toutefois précisé Mme Beccuau.
Mercredi, les forces de l'ordre parviennent à libérer David Balland, hospitalisé pour sa mutilation.
A Châteauroux, deux suspects ont été interpellés à sa libération mercredi, et un troisième dans la nuit suivante, alors qu'il revenait sur les lieux, a précisé une source proche du dossier. Sa compagne restait introuvable.
- "Soulagement" -
Des pistes récoltées au cours des premières auditions, l'exploitation de téléphones... ont permis de mettre les enquêteurs sur la piste d’Étampes (Essonne), sans vraiment savoir ce qu'ils allaient y trouver, souligne la source proche du dossier: un commanditaire? l'autre victime?
Ils la retrouvent finalement "ligotée dans le coffre dans un véhicule" dans cette commune au sud de Paris, a expliqué la procureure, où six autres suspects sont interpellés.
Une dixième personne avait été arrêtée au début des investigations, à un endroit et une date qui n'ont pas été précisées à ce stade.
"Nous sommes profondément soulagés que David et sa femme aient été libérés et soient désormais en sécurité", a réagi jeudi soir Pascal Gauthier, président-directeur général de Ledger.
Même "immense soulagement" exprimé par Eric Larchevêque sur le réseau social X.
Les investigations ont d'abord été dirigées par le parquet de Bourges, pour enlèvement et séquestration en bande organisée. Puis le parquet de Paris a pris la suite.
La gendarmerie nationale a été saisie dans son ensemble, de la section de recherches de Bourges à l'unité nationale Cyber.
"Un enlèvement, c'est extrêmement complexe car c'est une prise d'otages non localisée" d'autant que l'enlèvement était "en deux lieux", a souligné le GIGN lors de la conférence de presse. "La négociation est vraiment un outil tactique" pour parvenir à avoir "des preuves de vie".
Une quinzaine de cyberenquêteurs de la gendarmerie ont également travaillé pour rechercher, identifier et saisir les cryptoactifs.
Au total, plus de 230 gendarmes ont été mobilisés.
Ledger est une licorne (startup qui a dépassé le milliard de dollars) française, fondée en 2014, leader mondial dans la conception de portefeuilles physiques de cryptomonnaies, permettant à chacun de gérer en direct ses propres cryptoactifs.
L'entreprise, valorisée à plus d'un milliard d'euros, a vendu plus de sept millions d’appareils dans plus 180 pays et en 10 langues. Elle sécurise 20% des actifs numériques mondiaux, et compte plus de 100 clients institutionnels.
Cette affaire d'enlèvement, en lien avec les cryptomonnaies, n'est pas sans rappeler celle d'un homme de 56 ans, retrouvé début janvier dans le coffre d'une voiture près du Mans, à plusieurs centaines de kilomètres de chez lui dans l'Ain.
Selon plusieurs médias, il s'agissait d'un influenceur en cryptomonnaies basé à Dubaï, qui publie régulièrement des vidéos sur ses gains, et une demande de rançon avait été faite.
A ce stade, le parquet de Paris ne fait pas de lien entre les deux affaires.
V.Handa--BD