Emmanuel Macron se rend jeudi à Marseille au côté du nouveau ministre de l'Education Pap Ndiaye pour faire la promotion de "l'école du futur", une expérimentation contestée par les syndicats d'enseignants qui réclament avant tout une "feuille de route" pour la rentrée.
Le chef de l'Etat avait lancé cette idée en septembre 2021 lorsqu'il avait présenté le plan d'urgence "Marseille en grand" destiné à aider la deuxième ville de France, où le taux de pauvreté dépasse 50% dans certains quartiers, à rattraper son retard.
Cette expérimentation, lancée dans 59 écoles de la cité phocéenne, vise à donner "davantage de liberté et d'autonomie aux équipes pédagogiques pour bâtir un système scolaire plus juste et plus inclusif", a rappelé l'Elysée à la veille de la visite.
Il s'agit de permettre à ces écoles de financer un projet innovant autour de la culture, des langues, de l'environnement ou des sciences en donnant aux directeurs d'école la possibilité de choisir leur équipe pédagogique.
Emmanuel Macron et Pap Ndiaye sont attendus dans la matinée dans l'un des 59 établissements retenus, l'école Menpenti, qui va se doter d'un laboratoire de mathématique.
Il vise à faire entrer les élèves dans "une activité authentique de recherche et d'expérimentation" en s'appuyant sur les "outils numériques, la manipulation et le jeu", selon un document interne que l’AFP a pu consulter.
L'expérimentation marseillaise suscite beaucoup d'interrogations, notamment l'idée que les directeurs d'école puissent choisir leur équipe, un changement profond du modèle de l'Éducation nationale.
"L'Education nationale n'est pas une somme de +start-ups+", assène Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa, qui s'inquiète que le nouveau ministre ne "se retrouve avec un chemin extrêmement balisé" et que l'expérimentation ne soit généralisée.
"Cette expérimentation remet gravement en cause le caractère national de l'École publique, le statut de fonctionnaires d'État des enseignants, l'égalité de traitement des personnels dans leur demande de mutation", renchérit la Fédération FO de l'Enseignement (FNEC FP – FO).
- "Une vitrine" -
D'autres pointent le risque d'une "école à deux vitesses", avec des établissements mieux dotés que d'autres et pas forcément situés dans des quartiers défavorisés.
Le président et Pap Ndiaye, qui effectue son deuxième déplacement de terrain après une première visite hautement symbolique dans le collège du professeur assassiné Samuel Paty, sont en outre attendus sur de tout autres sujets.
"Cette expérimentation, c’est une vitrine alors que le président devrait se concentrer sur les sujets brûlants de l'Education nationale que sont les salaires, le dégel du point d'indice ou encore la feuille de route du nouveau ministre qui ne s'est toujours pas exprimé", a lancé Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire.
Plusieurs chantiers de poids attendent le nouveau ministre, à commencer par la crise du recrutement des enseignants et la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun au lycée.
Le chef de l'Etat marquera aussi, avec cette visite, son soutien à Pap Ndiaye, historien réputé des minorités et cible d'un tir de barrage de l'extrême droite, qui le qualifie de "militant racialiste et antiflics", depuis sa nomination-surprise dans le gouvernement d'Elisabeth Borne.
Alors que son prédécesseur Jean-Michel Blanquer s'est régulièrement inquiété de phénomènes "woke" ou de l'"islamo-gauchisme", Pap Ndiaye a, lui, douté à plusieurs reprises du bien fondé de ces concepts.
Des positions qui suscitent aussi l'inquiétude chez certaines personnalités de la majorité ou proches du président, comme Jean-Pierre Chevènement qui a mis en garde contre "l'enterrement de la politique mise en œuvre par Jean-Michel Blanquer depuis cinq ans".
Réputé partisan du consensus, la personnalité du nouveau ministre pourrait toutefois être un atout pour favoriser la réconciliation avec le monde enseignant, après des mois d'affrontement avec son prédécesseur.
Jean-Michel Blanquer, qui a battu un record de longévité à ce poste, a impulsé la réforme du bac et le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les zones d'éducation prioritaire.
Mais ses réformes tous azimuts ont été jugées "trop nombreuses" par les syndicats qui ont aussi peu apprécié son manque de concertation.
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A.Zacharia--BD