Emmanuel Macron prolonge vendredi sa visite à Mayotte, dévastée par le cyclone Chido, auprès d'habitants partagés entre exaspération et accablement face à l'énorme travail de reconstruction qui se profile, en se rendant dans un des nombreux bidonvilles de l'archipel.
Jeudi, lors d'une première journée dans le département le plus pauvre de France qui a été ravagé le 14 décembre par le cyclone le plus violent depuis 90 ans, le chef de l'Etat a pu constater l'étendue des dégâts et l'ampleur de la détresse.
"J'ai décidé de dormir ici parce que je considérais que compte tenu ce que vit la population", repartir le jour-même aurait pu "installer l'idée qu'on vient, on regarde, on s'en va", a-t-il expliqué dans la soirée à la presse. "C'est une marque de respect, de considération", a-t-il assuré.
Le président de la République a été confronté pendant de longues heures à l'impatience, la colère et même le désespoir de Mahorais qui ont souvent tout perdu.
"Macron démission !", "tu racontes des salades", "de l'eau, de l'eau, de l'eau", lui ont lancé jeudi soir des jeunes et des mères de famille. N'arrivant pas à détailler les mesures égrénées au fil de la journée, Emmanuel Macron a fini par lâcher: "C'est pas moi le cyclone ! Je ne suis pas responsable !".
Vendredi, il devrait s'éloigner de Mamoudzou, le chef-lieu de l'archipel français de l'océan Indien, pour se rendre dans les localités les plus isolées où les secours, l'eau potable, l'électricité et la distribution de vivres prennent plus de temps à arriver.
L'éloignement et l'inaccessibilité sont évoqués parmi les raisons qui compliquent l'établissement d'un bilan précis.
Selon des chiffres provisoires, 31 morts et quelque 2.500 blessés ont été officiellement recensés. "Il est vraisemblable qu’il y ait beaucoup plus de victimes", a reconnu Emmanuel Macron, rappelant qu'une mission avait été diligentée pour vérifier le nombre de morts.
Au Mozambique le cyclone Chibo qui a frappé dimanche ce pays africain a fait au moins 73 morts.
- Reconstruction en "deux ans"? -
Il a aussi dit qu'il se rendrait vendredi matin dans un bidonville, où les logements en tôle ont souvent été pulvérisés par le cyclone.
Environ un tiers de la population, soit plus de 100.000 habitants, notamment les personnes en situation irrégulière venant des Comores voisines, vivent dans des logements précaires.
"Mettre fin" aux bidonvilles et "supprimer" ces habitats "indignes" et "dangereux", c'est l'un des objectifs de la "loi spéciale" promise par le président pour "rebâtir" Mayotte. Il s'agit de "déroger aux règles", raccourcir les délais et faciliter la construction, à l'instar de ce qui a été fait pour organiser les Jeux olympiques et restaurer Notre-Dame de Paris en cinq ans après l'incendie de 2019.
Alors que le chef de l'Etat n'a pas fixé de calendrier à ce stade pour la reconstruction, son Premier ministre François Bayrou, depuis Paris, s'est voulu ambitieux.
"Il faut se fixer un délai beaucoup plus bref que les cinq années", "peut-être deux ans", a-t-il dit jeudi soir. "J'espère qu'on y arrivera. C'est une tâche surhumaine, immense."
A moyen terme, le président a aussi dit vouloir "renforcer la lutte contre l'immigration clandestine" en augmentant, jusqu'à presque doubler, le nombre de reconduites à a frontière, qui était de 22.000 en 2023.
Dans l'immédiat, il a assuré que 50% de l'eau et de l'électricité serait "rétabli d'ici" vendredi, même si cela pourra prendre "plusieurs semaines" dans les communes les plus "isolées. La distribution d'eau en bouteilles et de vivres atteindra toutes les communes "d'ici dimanche."
Emmanuel Macron a fixé à lundi 23 décembre la journée de "deuil national" en solidarité avec Mayotte, avec drapeaux en berne et minute de silence partout en France à la mi-journée.
Vendredi soir, après cette visite intense de deux jours, le président de la République est attendu à Djibouti pour partager le traditionnel repas de Noël avec les troupes françaises déployés à l'étranger.
L.Panchal--BD