"L'expression qui revient, c'est: +décapé+". Dramatique pour les habitants de Mayotte, sa faune et sa flore, le cyclone Chido a aussi ébranlé son lagon et une partie des exceptionnels récifs coralliens a particulièrement souffert.
Donatien Pelourdeau, agent de terrain du Parc naturel marin de Mayotte, remonte d'une plongée, la "première depuis Chido", vers l'îlot Bambo (sud-est de l'archipel). "Il y a beaucoup, beaucoup de coraux détruits", se désole-t-il une fois revenu sur le bateau.
"L'expression qui revient, c'est: +décapé+" et "même si on s'en doutait parce que (la partie extérieure de la barrière de corail) est la plus exposée, ça fait mal au cœur", avoue-t-il à l'AFP.
En trente ans, ce spécialiste en a vu "des tempêtes, mais rien à voir" avec ce que le 101e département français a subi le 14 décembre, lorsque le cyclone Chido a dévasté l'archipel de l'océan Indien.
Depuis, les équipes du Parc naturel, chapeauté par l'Office français de la biodiversité, plongent deux à trois fois par semaine "pour se rendre compte de l'impact du cyclone", un premier aperçu avant les suivis scientifiques à proprement parler, détaille Sébastien Quaglietti, chef de l'unité Mer.
Certains lieux sous-marins iconiques de Mayotte ont été durement éprouvés, comme le Tombant des Aviateurs, ou "l'extérieur de la Passe en S", témoigne Annabelle Djeribi, directrice déléguée du Parc.
"Coraux, éponges, gorgones, il n'y a absolument plus rien, c'est dramatique", déplore-t-elle.
Mais "aujourd'hui, on ne peut pas tirer de conclusion, il y a des endroits dévastés et d'autres préservés", ajoute prudemment la responsable.
- Pire sans le récif -
Mayotte est ceinte d'un double récif corallien, un récif frangeant et un récif barrière, ce dernier fermant presque le lagon, ce qui en fait l'un des plus grands du monde avec ses 1.500 km².
Cette spécificité fait de l'archipel un écrin de biodiversité marine, avec 300 espèces de coraux (il y en a entre 800 et 900 dans le monde), 760 espèces de poissons, 24 espèces de mammifères marins et cinq espèces de tortues.
Durant Chido, "les récifs coralliens ont joué leur rôle de protection des terres", rembobine Annabelle Djeribi. Ainsi lors du cyclone, la "forte houle" de 9 mètres à l'extérieur du lagon, a été "réduite à 5,5 m" à l'intérieur, cassée par la barrière.
Les récifs ont donc "subi l'impact de plein fouet", comme les mangroves, atténuant les effets de submersion marine et "retenant les déchets" éparpillés par l'ouragan, selon Mme Djeribi. Les effets de Chido "auraient été encore plus dévastateurs" si ces deux écosystèmes "avaient été en mauvaise santé", dit la responsable qui souligne l'importance de les laisser se régénérer.
- "Vigilants" -
Une attention d'autant plus nécessaire qu'El Niño, événement naturel cyclique qui impacte les températures et provoque des intempéries dans les zones concernées, avait entraîné "beaucoup de blanchissement de corail", ce que le cyclone "a continué de dégrader", constate Sébastien Quaglietti.
En 2024, El Niño a ainsi provoqué la disparition de 35% des récifs "et d'autres ont été fragilisés", rappelle Mme Djeribi.
Côté faune, les espèces "mobiles telles les poissons, les mammifères, ont pu se mettre à l'abri", estime Yoan Doucet, chef de service ingénierie du Parc.
Tous ces spécialistes jugent crucial de laisser le temps au milieu marin afin qu'il réinvestisse rapidement ses fonctions de barrière, de pourvoyeur de ressources alimentaires et économiques.
Ils se disent ainsi "vigilants" sur les problématiques qui le menacent déjà en temps normal, tel l'envasement (20.000 tonnes de terre sont déversées chaque année dans le lagon, en raison de l'agriculture et des constructions, selon Mme Djeribi), le braconnage, les déchets.
Il faudra ainsi surveiller "ce qui va se passer à terre, et notamment le plan de reconstruction de Mayotte", alerte M. Doucet.
"L'écosystème va avoir besoin de toute l'énergie et la tranquillité disponibles" pour se reconstruire, ce qui nécessitera "un travail de toute la population dans ses activités quotidiennes".
A.Krishnamurthy--BD