Elle était déjà sur les étals fin juillet: la mirabelle de Lorraine, pleine de sucre et d'un calibre cette année supérieur à la norme, mûrit de plus en plus tôt du fait du réchauffement climatique.
Chez Cécile Blanpied, à Vigneulles-lès-Hattonchâtel, dans la Meuse, ils sont en ce matin d'août une quinzaine de cueilleurs à arpenter le verger. Ils portent à la taille, accroché à la ceinture, un seau vert pouvant contenir jusqu'à cinq kilos du précieux fruit jaune.
En ce jour de vigilance jaune à la canicule, les saisonniers ont commencé à travailler tôt, vers 6H30. Montés sur des escabeaux, ils cueillent à la main les fruits de bouche, qui seront vendus tels quels aux clients.
Il y a encore une vingtaine d'années, les récoltes ne commençaient qu'autour du 15 août.
"C'est un des points les plus visibles du changement climatique: on a une récolte qui globalement, depuis les 20 dernières années, a avancé de 15 jours", explique à l'AFP Quentin Hoffmann, président de l'Indication géographique protégée (IGP) Mirabelles de Lorraine. La cueillette dès la fin juillet "devient finalement la norme".
En cause, des hivers doux, qui permettent aux mirabelliers de fleurir plus tôt qu'à l'accoutumée. "Et on a eu un printemps certes un peu pluvieux, mais avec des températures à peu près normales, donc les fruits ont pu grossir à la vitesse normale" et sont mûrs un peu plus tôt, explique-t-il.
- 6.000 tonnes en vue -
Le mirabellier se plaît en Lorraine depuis son implantation il y a plusieurs siècles. Mais les arbres, très espacés conformément au cahier des charges de l'IGP, sont tributaires de la météo.
"On ne pourrait pas abriter le verger du gel", souffle Cécile Blanpied, propriétaire de 18 hectares cultivés. Il faut donc espérer que les jours de gel soient rares, et qu'ils ne tombent pas pendant la floraison.
Environ 6.000 tonnes de ces petites prunes doivent être récoltées cette année chez les producteurs certifiés. Un bon chiffre, mais pas hors normes.
La récolte se fait à maturité selon trois critères fixés par le cahier des charges de l'IGP obtenu en 1996. Un taux de sucre minimal, une belle couleur, et "un calibre d'au moins 22 mm", qui est largement dépassé cette année à Vigneulles-lès-Hattonchâtel: "certains fruits font déjà plus de 30 mm", selon Mme Blanpied.
- Un robot à l'essai -
La cueillette à la main reste la norme dans la plupart des vergers, car elle permet de sélectionner les fruits de bouche, qui ne subissent pas de choc comme lorsqu'ils sont cueillis mécaniquement à l'aide d'une machine faisant vibrer l'arbre et tomber les fruits. Chez Mme Blanpied, la cueillette manuelle représente 25% de la récolte.
Mais pour aider les producteurs, notamment sur les hauteurs des arbres ou durant la nuit, la société nancéienne Alerion teste, depuis cet été, un robot cueilleur, en partenariat avec la coopérative Vegafruits.
Si l'idée a germé il y a près de deux ans, c'est la première cueillette où il peut être testé, se félicite Louis Viard, directeur scientifique chez Alérion. Il faudra encore environ quatre ans pour qu'il soit totalement au point.
Quentin Hoffmann, aussi directeur de l'Association régionale d'expérimentation fruitière de l'Est (Arefe), où est testé le robot, explique accompagner le projet en "apportant les connaissances en matière de production de mirabelles: on est capables de leur dire ce qu'est un fruit mûr, trop mûr, pas assez mûr, comment se comporte l'arbre, leur donner toutes les connaissances métier" dont les ingénieurs auront besoin.
L'objectif est que le robot aille seul au verger pour cueillir des mirabelles mûres et de bonne couleur, explique la dirigeante d'Alérion, Anne-Sophie Didelot. "Et si le producteur doit accélérer la cueillette en prévision d'un orage par exemple", le robot lui sera d'une grande aide, anticipe-t-elle.
La récolte doit se terminer fin août. Au total, 1.000 hectares de vergers certifiés sont cultivés par quelque 150 producteurs.
K.Williams--BD