Critiqué de toutes parts pour avoir choisi d'aller à Pau au lieu de Mayotte et pour avoir défendu le cumul des mandats, François Bayrou a rencontré Emmanuel Macron mardi en vue de former un gouvernement "d'ici la fin de la semaine".
Selon son entourage, le Premier ministre s'est entretenu en fin de matinée "plus d'une heure" avec le chef de l'Etat à l'Elysée.
Objectif, selon Marc Fesneau : évoquer une "architecture de démarrage" pour son gouvernement. Le chef des députés MoDem a ajouté que les deux têtes de l'exécutif composeront la future équipe avec "la volonté de trouver un équilibre".
Puis, il prononcera le 14 janvier son discours de politique générale devant le Parlement.
En attendant, les consultations des forces politiques, entamées lundi, se poursuivent à Matignon.
Le patron des députés Horizons Laurent Marcangeli a plaidé pour la "stabilité" auprès du Premier ministre, qui s'était déjà entretenu par téléphone avec Edouard Philippe dimanche.
Les leaders des Ecologistes ont été beaucoup plus pessimistes, estimant que François Bayrou était déjà en train de "paver peu à peu le chemin de sa propre censure".
Quant à Laurent Wauquiez (LR), reçu lundi, il a demandé mardi une nouvelle rencontre avec le chef du gouvernement, dont le projet est encore "trop flou" à ses yeux.
Quatre jours à peine après sa nomination, le président du MoDem est déjà au cœur d'une double polémique.
Son choix d'aller dans sa ville de Pau pour y défendre son poste de maire, plutôt que d'assister à une réunion de crise sur Mayotte, qu'il a suivie à distance, suscite de vives critiques jusque dans son propre camp.
Et son idée d'autoriser à nouveau le cumul des mandats locaux pour les parlementaires, afin de les "ré-enraciner" dans les territoires, est aussi dénoncé.
- "Indécent" -
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet ne l'a pas épargné. Elle aurait "préféré que le Premier ministre, au lieu de prendre un avion pour Pau, prenne l'avion pour Mamoudzou", chef-lieu de Mayotte, dévastée par un cyclone meurtrier.
Quant au cumul de mandats, "ce n'est vraiment pas le moment" de "remettre ce sujet sur la table". "Aujourd'hui, le sujet c'est le budget, c'est Mayotte".
Le patron du parti communiste Fabien Roussel a, de son côté, jugé "indécent de parler de cumul des mandats (...) alors qu'en ce moment on enterre des enfants, des habitants" dans l'archipel meurtri.
Rare voix à venir à la rescousse du Premier ministre, Hervé Marseille, chef des sénateurs centristes et défenseur du cumul, a estimé que François Bayrou a "fait ce qu'il devait faire".
Le Premier ministre s'apprête à passer son premier grand oral à partir de 15H00 à l'Assemblée nationale. Il répondra pendant 45 minutes aux questions des présidents de groupe. Seul, puisque les ministres en place sont démissionnaires et ne sont donc pas autorisés à participer à l'exercice.
L'ancien ministre de l'Intérieur macroniste Gérald Darmanin l'interrogera notamment sur Mayotte et "les moyens exceptionnels que doit engager l’État".
Il sera aussi sans doute questionné sur le cumul des mandats. Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a jugé sur France 2 que le Premier ministre "s'égare" avec cette "sortie".
"En s'accrochant" à son poste de maire de Pau, François Bayrou "fait une grave erreur" doublée d'une "faute politique importante" et "symboliquement dramatique", a dénoncé de son côté le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard sur Sud Radio.
Rien dans la loi n'interdit le cumul entre une fonction ministérielle et un mandat local.
Yaël Braun-Pivet a toutefois rappelé qu'une réforme constitutionnelle, inaboutie et prévoyant "le non-cumul des fonctions ministérielles et d'un exécutif local", avait été "votée à la quasi-unanimité" des députés en 2018.
De son côté, le Rassemblement national, défend l'idée de cumuler les mandats de député et de maire "en dessous d'un certain seuil" de population. Une opportunité pour le parti de Marine Le Pen de renforcer le maillage local de ses nombreux députés.
D.Jayaraman--BD