L'extrême droite allemande doit manifester lundi à Magdebourg trois jours après l'attaque à la voiture bélier sur un marché de Noël de la ville imputée à un médecin saoudien qui a relancé le débat sur la sécurité et de l'immigration dans le pays.
Même si les mobiles du suspect restent flous, le carnage qui a fait cinq morts, dont un garçon de 9 ans, et plus de 200 blessés a replacé ces questions au coeur de la campagne pour les élections législatives anticipées du 23 février.
Le psychiatre saoudien Taleb Jawad al-Abdulmohsen, arrêté vendredi soir, a pêle-mêle exprimé des opinions hostiles à l'islam, sa colère contre les fonctionnaires allemands de l'immigration et son soutien aux récits conspirationnistes d'extrême droite sur une "islamisation" de l'Europe.
L'Arabie saoudite avait demandé en vain à Berlin l'extradition du Saoudien de 50 ans, après avoir averti à plusieurs reprises qu'il "pourrait être dangereux", a indiqué lundi à l'AFP une source proche du gouvernement à Ryad.
Installé en Allemagne depuis 2006, il disposait du statut de réfugié.
D'autres éléments sur cet homme au profil atypique ont filtré lundi dans les médias: selon le journal local "Mitteldeutsche Zeitung", ses collègues doutaient de ses compétences et l'avaient surnommé "Docteur Google", car il consultait régulièrement le net avant d'émettre un diagnostic. Le quotidien Die Welt a affirmé qu'il avait été traité pour troubles psychiques.
"Une chose est claire : il y aura un +avant+ et un +après+ dans cette campagne électorale", a jugé le journal populaire Bild.
- "Effroi et colère" -
L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti d'extrême droite, a prévu de manifester à partir de 16h00 GMT dans cette ville du nord-est du pays toujours sous le choc. Sa co-présidente Alice Weidel a annoncé sa venue.
A la même heure, une chaîne humaine organisée par l'initiative "Gib Hass keine Chance" ("Ne donne aucune chance à la haine") doit se former sur les lieux du drame.
"Nous constatons avec effroi et colère que des personnes veulent instrumentaliser cet acte cruel pour leur politique", indique l'initiative.
Peu après l'attaque, l'AfD avait dénoncé l'accueil de centaines de milliers de réfugiés dans le pays ces dernières années.
Alice Weidel a insisté lundi sur son compte X: "le débat de nouvelles lois de sécurité ne doit pas détourner l'attention du fait que Magdebourg n'aurait pas été possible sans une immigration incontrôlée", a-t-elle écrit.
Sa formation, hostile aux migrants, anti-système et pro-russe, est créditée d'environ 20% d'intention de votes dans les sondages, derrière les conservateurs (32%) et devant le parti de centre gauche d'Olaf Scholz (15%). Mais aucun parti ne veut coopérer avec l'AfD.
L'association allemande de la police criminelle (BDK) a mis en garde lundi contre "des accusations prématurées ou même l'instrumentalisation politique des événements", surtout à un moment où l'état de certaines victimes reste très grave.
- Scholz sous pression -
Sous pression, le gouvernement d'Olaf Scholz a promis dimanche une enquête rapide et minutieuse pour clarifier d'éventuelles erreurs des autorités dans la prévention de l'attaque.
Les autorités de la ville sont aussi dans le collimateur, certains leur reprochant une sécurité défaillante. L'auteur présumé avait pu emprunter une voie d'accès non sécurisée du marché de Noël puis a foncé sur la foule à bord d'un puissant véhicule BMW de location.
La ville de Magdebourg s'est défendue en expliquant que cette ouverture était réservée aux ambulances ou pompiers en cas d'urgence.
La sécurité des marchés de Noël avait pourtant été considérablement renforcée, notamment par l'installation de bornes en béton à leurs accès, après un acte similaire commis il y a huit ans sur un marché de Noël de Berlin, qui avait fait 13 morts.
L'Allemagne avait également durci sa politique de sécurité cette année, notamment via un contrôle renforcé sur le port d'armes, suite à plusieurs attaques meurtrières au couteau, dont l'une a fait trois morts et huit blessés lors d'un festival d'été dans la ville de Solingen, dans l'ouest du pays.
"Un concept de sécurité est aussi solide que son maillon le plus faible", a jugé Peter Neumann, expert en contre-terrorisme à l'hebdomadaire Der Spiegel. "Si un point d'entrée n'est pas protégé, toutes les autres bornes en béton ne servent à rien".
K.Williams--BD