"Je le jure" : le président vénézuélien sortant Nicolas Maduro, fort du soutien de l'armée et d'une administration aux ordres, a prêté serment vendredi pour un troisième mandat de six ans lors d'une cérémonie qualifiée de "coup d'Etat" par son rival Edmundo Gonzalez Urrutia, qui se considère le président élu et a appelé l'armée à "désobéir".
Les Etats-Unis et l'Union européenne, entre autres, ont condamné l'investiture, saluée par la Russie.
"Je jure que ce nouveau mandat présidentiel sera celui de la paix, de la prospérité, de l'égalité et de la nouvelle démocratie", a lancé Nicolas Maduro, prêtant serment dans l'Assemblée nationale où son parti dispose de la majorité absolue.
Une fois l'écharpe présidentielle placée de l'épaule gauche au côté droit et le grand "collier de la clef de l'Arche", qui ouvre le sarcophage de Simon Bolivar, autour du cou, M. Maduro a insisté : "Faites ce que vous voulez, mais cette investiture constitutionnelle (...) n'a pas pu être empêchée et c'est une grande victoire pour la démocratie vénézuélienne".
Nicolas Maduro a même plaisanté sur la présence de M Gonzalez Urrutia, qui avait promis de prêter serment en lieu et place du président sortant. Réagissant à un bruit perturbant la cérémonie, M. Maduro a ironisé : "Edmundo est arrivé ?", avant de poursuivre : "Comme j'attends son arrivée, je suis un peu nerveux".
- "Bientôt" -
Depuis un pays voisin non dévoilé, M. Gonzalez Urrutia a évoqué dans une vidéo un "coup d'Etat" estimant que M. Maduro s'était "auto-couronné dictateur". L'ancien ambassadeur de 75 ans a appelé l'armée à "désobéir aux ordres illégaux" du pouvoir en place. Il a expliqué ne pas avoir pu rentrer au pays mais promis de le faire "bientôt, très bientôt".
La cheffe de l'opposition Maria Corina Machado a affirmé dans une déclaration sur les réseaux sociaux avoir demandé à M. Gonzalez Urrutia, exilé en Espagne depuis septembre, de ne pas tenter de rentrer au pays, "tout le système de défense aérien (ayant) été activé". "Son intégrité (physique) est essentielle pour la défaite définitive du régime", a-t-elle souligné.
Initialement prévue à midi, la cérémonie d'investiture de M. Maduro avait été avancée d'une heure et demie et a duré deux heures.
Une fois investi, M. Maduro, accompagné par des centaines de motards, a quitté l'Assemblée nationale pour le camp militaire de Fort Tiuna, et une cérémonie télévisée d'allégeance des forces armées et de la police : "Nous réaffirmons loyauté et subordination au citoyen Nicolas Maduro", a affirmé le ministre de la Défense Vladimir Padrino Lopez, un des personnages clé de la répression des troubles post-électoraux.
Alfredo Romero, le président de l'ONG Foro Penal qui documente les détentions politiques, a rapporté vendredi avoir recensé depuis le début de l'année "49 arrestations à des fins politiques. Et cela continue".
Le Secrétaire général de l'ONU a demandé la libération de toutes les personnes "détenues arbitrairement".
- "Aucune légitimité"-
Les Etats-Unis ont dénoncé un "simulacre" et "une inauguration présidentielle illégitime", annonçant contre Caracas de nouvelles sanctions conjointement avec le Canada, le Royaume-Uni et l'Union européenne. Ils ont porté à 25 millions de dollars la récompense pour toute information permettant de traduire le dirigeant vénézuélien en justice.
M. Maduro n'a "aucune légitimité démocratique", a réagi la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas. Le président russe Vladimir Poutine a lui "félicité" M. Maduro, son fidèle allié.
Le Conseil national électoral (CNE) a proclamé M. Maduro vainqueur en juillet avec 52% des voix mais sans publier les procès-verbaux, se disant victime d'un piratage informatique, une hypothèse jugée peu crédible par de nombreux observateurs.
L'opposition, qui a publié les procès-verbaux fournis par ses scrutateurs, assure que son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu plus de 67% des voix.
Les troubles post-électoraux suivant l'annonce de la victoire de Maduro se sont soldés par 28 morts, 200 blessés et 2.400 arrestations.
T.Deshpande--BD