Promise de longue date, la vaste offensive anti-immigration de Donald Trump prend forme: le nouveau président américain a confirmé lundi qu'il va décréter l'état d'urgence à la frontière avec le Mexique, utiliser l'armée américaine pour en assurer la surveillance, et s'attaquer au droit d'asile et au droit du sol.
Désormais au pouvoir, le milliardaire républicain va signer dès le premier jour de son mandat une flopée de décrets qui promettent d'être vivement contestés devant les tribunaux, et dont certains semblent violer la constitution américaine.
"Je vais déclarer l'urgence nationale à notre frontière sud. Toutes les entrées illégales seront immédiatement stoppées et nous commencerons à renvoyer des millions et des millions d'étrangers criminels là d'où ils viennent", a martelé M. Trump lors de son discours d'investiture.
"Je vais envoyer des troupes à la frontière sud pour repousser l'invasion désastreuse de notre pays", a ajouté le septuagénaire, qui avait érigé l'immigration en priorité absolue de sa campagne.
Parmi les décrets signés au plus vite, Donald Trump compte également réinstituer la doctrine "Restez au Mexique", mesure phare de son mandat précédent abolie sous son prédécesseur Joe Biden.
Elle avait forcé des milliers de demandeurs d'asile originaires d'Amérique centrale à rester au sud de la frontière américaine, le temps que leur demande soit traitée par les tribunaux.
Le 47e président des Etats-Unis compte également reprendre la construction du mur frontalier, selon Anna Kelly, la future porte-parole adjointe de la Maison Blanche.
Il va aussi signer des décrets s'attaquant au droit d'asile et au droit du sol.
- "Contestations judiciaires" -
Le droit du sol, qui accorde à toute personne née aux Etats-Unis le droit d'obtenir la nationalité américaine, est prévu par le 14e amendement de la Constitution. Les décrets présidentiels de M. Trump doivent en "clarifier" la portée, selon Mme Kelly.
"Le gouvernement fédéral ne donnera pas automatiquement la citoyenneté via le droit du sol aux enfants d'étrangers en situation irrégulière nés aux États-Unis", a-t-elle insisté.
Ces mesures risquent d'être contestées en justice par diverses organisations et Etats démocrates. La Californie a par exemple récemment mis de côté 25 millions de dollars, pour financer de probables batailles judiciaires contre un futur gouvernement Trump.
"Nous nous attendons à des contestations judiciaires rapides", a rappelé à l'AFP Aaron Reichlin-Melnick, un expert de l'American Immigration Council.
Par exemple, "le 14e amendement stipule clairement que le droit du sol est la loi du pays", a-t-il souligné. Selon lui, "un président ne peut pas le supprimer par décret".
"L'administration va vraiment essayer de repousser les limites" et voir si ses mesures "survivent aux tribunaux", a jugé Cris Ramon, de l'ONG UnidosUS, en rappelant que le rôle de l'armée est lui aussi circonscrit par la loi.
En matière d'immigration, Joe Biden était revenu sur de nombreuses mesures prises par Donald Trump lors de son premier mandat. Il avait notamment mis fin au "Titre 42", une mesure prise pendant la pandémie de Covid-19 qui interdisait presque toute entrée sur le territoire américain pour des raisons de santé publique.
La présidence du démocrate a été marquée par un nombre record d'interpellations de migrants à la frontière, avant la mise en place d'importantes restrictions quelques mois avant l'élection présidentielle. Leur nombre a alors chuté drastiquement.
- Premiers effets concrets -
Les premiers effets du retour de M. Trump au pouvoir se font déjà concrètement sentir. Lundi, l'application CBP One, lancée par l'administration Biden pour permettre aux migrants de prendre un rendez-vous afin de déposer leur demande d'asile avant d'entrer aux Etats-Unis, a cessé de fonctionner.
"Les rendez-vous existants ont été annulés", indique le service sur son site internet.
Pendant sa campagne, M. Trump a employé une rhétorique violente envers les migrants, qui "empoisonnent le sang" des Etats-Unis selon lui. Le tribun soutient constamment que l'augmentation de l'immigration clandestine a provoqué une vague de criminalité aux Etats-Unis, ce qu'aucune statistique officielle ne montre.
Lundi, il a annoncé son intention de désigner "les cartels comme des organisations terroristes étrangères", en promettant d'"éliminer la présence de tous les gangs et réseaux criminels étrangers" aux Etats-Unis.
La nouvelle administration Trump réclamera la peine de mort pour les non-citoyens qui commettent des meurtres ou d'autres crimes majeurs, selon Mme Kelly.
Pour M. Aaron Reichlin-Melnick, cette vaste offensive anti-immigration pourrait avoir des effets inattendus.
"Il est tout à fait possible que nous assistions à une augmentation des traversées irrégulières de la frontière au cours des prochains mois, (...) à mesure que les autres voies légales leur seront fermées", a-t-il souligné.
Dimanche, le pape François a estimé que le plan promis par Donald Trump serait "une calamité, car cela ferait payer de pauvres malheureux qui n'ont rien".
F.Prabhu--BD