L'aide sociale à l'enfance, toujours à bout de souffle malgré les cris d'alerte / Photo: Ludovic MARIN - AFP
Le 25 janvier 2024, la mort de Lily, 15 ans, dans une chambre d'hôtel près de Clermont-Ferrand, avait braqué les projecteurs sur une aide sociale à l'enfance (ASE) à bout de souffle.
Un an plus tard et malgré les nombreux cris d'alerte, y compris d'élus, les tentatives de réforme de ce secteur sont dans les limbes.
Un système saturé
Quelque 390.000 enfants font l'objet d'une mesure de protection au titre de l'aide sociale à l'enfance (ex-Ddass), un service géré par les départements et saturé depuis plusieurs années.
Sur le terrain, la situation est "catastrophique" et "pire qu'à l'os", selon les professionnels du secteur qui pointent une "justice saturée", des associations exsangues financièrement, des travailleurs sociaux en "surrégime". Le secteur est depuis plusieurs années confronté à une pénurie de professionnels et d’assistants familiaux.
Faute de places disponibles, de plus en plus de mineurs sont désormais contraints de patienter dans leur famille, en dépit de décisions judiciaires les considérant comme en danger dans leur foyer.
Des drames en série
La mort de Lily en janvier 2024 a jeté une lumière crue sur la vie et le quotidien des enfants placés mais est loin d'être isolée, selon le comité vigilance des enfants placés, créé par d'anciens enfants de l'ASE. Le comité a rendu hommage en mai 2024 aux victimes, parmi lesquelles il décomptait à l'époque "cinq à sept suicides, rien que cette année".
En octobre, un procès à Châteauroux a également levé le voile sur la situation d'adolescents placés dans des familles d'accueil. Des dizaines d'enfants ont ainsi été confiés illégalement par l'ASE du Nord à une structure d'accueil située dans l'Indre, qui ne disposait pas de l'agrément nécessaire.
Autre point d'inquiétude, la situation dans les pouponnières, qui accueillent des enfants de 0 à 3 ans et où le taux d'encadrement n'a pas évolué depuis un décret de 1974. "La détresse psychique des bébés" est "à son paroxysme", alertait en mai la députée socialiste Isabelle Santiago dans une lettre adressée au gouvernement.
Des querelles Etat-départements
Face à ces "dysfonctionnements" en cascade, Etat et départements se renvoient régulièrement la balle. Dans les faits, les services de l'ASE sont, depuis les grandes lois de décentralisation de 1982 et 1983, passés sous l'autorité et la responsabilité des départements.
Mais dans un contexte de coupes budgétaires, les départements estiment ne plus en être en mesure d'assurer correctement leurs missions et appellent à l'Etat à prendre sa part. Dans leur collimateur, la hausse des mineurs non accompagnés (MNA) qui pèsent selon eux fortement sur leurs dépenses sociales.
Un temps évoquée et défendue par le militant des droits de l'enfant Lyes Louffok, l'idée d'une recentralisation de l'ASE a provoqué une levée de bouclier côté départements qui y ont vu une insulte.
Des pistes de réformes
Revoir les taux d'encadrement, améliorer les conditions des travailleurs sociaux, repenser l'articulation Etat-Départements.... des pistes de réforme ont été évoquées ces dernières années, sans jamais aboutir.
Une commission d’enquête parlementaire "sur les manquements des politiques de protection de l’enfance" a été mise sur pied mais ses travaux ont été interrompus par la dissolution de l'Assemblée nationale. Ils n'ont repris qu'en novembre.
"Nous avons maintenant six mois pour produire un électrochoc et mettre l’État et les collectivités face à leurs responsabilités", a prévenu la députée socialiste Isabelle Santiago, rapporteure de cette mission.
Dernière ministre en date chargée spécifiquement du dossier, Agnès Canayer, qui n'a pas été reconduite à ses fonctions, a souhaité fin octobre la mise en place de "contrôles plus réguliers" - sans donner plus de détails.
O.Mallick--BD