"Nos poêles ne sont ni toxiques, ni cancérigènes":dans un tintamarre de poêles à frire, et dans les effluves de pâte à crêpes, plusieurs centaines de salariés de Seb ont manifesté leur "incompréhension" mercredi à Paris, craignant qu'une proposition de loi sur les PFAS, dits "polluants éternels", ne mette en péril leurs emplois.
"Touche pas à ma poêle" et "Sauvons les poêles Made in France" indiquent les pancartes des manifestants venus de toute la France, qui se sont rassemblés pendant trois heures sur l'esplanade des Invalides, souhaitant continuer à fabriquer dans leurs usines les ustensiles Tefal utilisant des substances antiadhésives à base de dérivés de fluor contestés, a constaté l'AFP.
"Nous demandons le retrait pur et simple de cette loi", a déclaré à l'AFP le directeur général du groupe Stanislas de Gramont, présent dans la manifestation, marquée par un front commun inédit entre direction, syndicats et salariés.
Il voit dans la proposition de loi "une menace très directe" vis-à-vis des 3.000 emplois des usines Seb de Rumilly (Haute-Savoie) et de Tournus (Saône-et-Loire) qui fabriquent notamment les poêles Tefal.
"On est très en colère, on est entraîné dans des amalgames pas sérieux du tout", a-t-il estimé, assurant que le PTFE (polytétrafluoroéthène), utilisé par le groupe pour le revêtement anti-adhésif de 90% de ses poêles, n'était pas dangereux.
Un argument que battent en brèche certains scientifiques, pour qui la substance peut être problématique au moment de sa fabrication et de son recyclage.
"On vient manifester pour garder notre emploi, ce qui est importé ce n'est pas mieux que ce qu'on a en France" a déclaré pour sa part à l'AFP Geneviève Priolo, salariée depuis 32 ans à l'usine de Rumilly. Pour elle, les poêles "ne sont ni toxiques, ni cancérigènes".
La proposition de loi, portée par le député écologiste Nicolas Thierry, doit être débattue et soumise au vote jeudi à l'Assemblée.
Elle prévoit notamment d'interdire la fabrication et la vente en France de certains produits contenant des PFAS.
Les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, fabriquées dans l'industrie chimique et utilisées dans de nombre de domaines industriels, s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants "éternels".
- "Pourquoi seulement en France?" -
"Pourquoi aujourd'hui, seulement en France? Pourquoi accélérer cette interdiction pour la France et pas dans les autres pays? Je ne comprends pas", déclare, incrédule, Dorian Chossat, 34 ans, chef d'équipe de maintenance de Tefal depuis deux ans, à l'usine de Tournus.
C'est un argument qui revient souvent dans la bouche de la direction, alors que Bruxelles a entamé une vaste réflexion pour catégoriser les PFAS, et en interdire certains de manière ciblée.
"Dans l'entreprise, on a toujours parlé d'environnement, de tri des déchets. Aujourd'hui, on est dans l'incompréhension totale", résume pour sa part Naïma Kassi, 45 ans, qui travaille depuis huit ans au laboratoire qualité de l'usine de Rumilly et a fait garder ses trois enfants pour venir défendre son emploi et son entreprise.
Signe que la mobilisation du groupe Seb semble commencer à peser, un amendement déposé par le député Modem Cyrille Isaac-Sibille entend décaler l'interdiction appliquée aux ustensiles de cuisine au 1er janvier 2030.
"Aujourd'hui se dire qu'un industriel veut prospérer avec les PFAS, c'est ça qui pose problème, estime Nicolas Thierry, joint par l'AFP, pour qui "c'est très cynique d'instrumentaliser les salariés comme ils le font".
"L'écologie sans l'industrie, ça ne marchera pas! Cela passe par le dialogue, pas par un projet de loi qui va encore accélérer les choses", a clamé Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, acclamé par le clinquement des poêles.
C.Jaggi--BD