Le budget de la Sécurité sociale pour 2025 entre dans sa dernière ligne droite mardi avec un vote sans suspense du Sénat sur ce projet irritant pour la macronie, qui pourrait le mettre en péril dès mercredi lors d'une négociation cruciale entre députés et sénateurs.
Au cœur d'un automne budgétaire à haut risque pour le Premier ministre Michel Barnier, menacé de censure, les votes de soutien au gouvernement sont autant de bouffées d'oxygène pour la nouvelle coalition.
Le Sénat s'apprête à lui en offrir une, en validant très largement, dans l'après-midi, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En première lecture, l'Assemblée nationale n'avait pas pu passer au vote sur ce texte dans les délais fixés par la Constitution.
Légèrement remanié par la droite et le centre, majoritaires à la chambre haute, ce budget de la Sécu pour 2025 reste fidèle à la copie initiale du gouvernement, qui cherche désespérément des pistes d'économie face à des finances sociales en berne.
Selon les calculs du gouvernement, l'examen du texte au Sénat, la semaine passée, a même permis de réduire d'un milliard supplémentaire le déficit prévisionnel de la Sécurité sociale pour 2025, estimé à 15 milliards d'euros, contre 16 milliards selon l'objectif initial et 18,5 milliards en 2024.
- "Répartir l'effort" -
"Nous avions un objectif: maintenir l'effort financier et le répartir pour qu'il soit collectif. Je crois que nous l'avons tenu", se satisfait le président Les Républicains de la commission des Affaires sociales du Sénat, Philippe Mouiller, auprès de l'AFP.
Retraités, assurés, entreprises, patients, professionnels de santé... Tout le monde est mis à contribution dans le projet gouvernemental, truffé de mesures jugées sensibles jusqu'au sein de la nouvelle coalition.
Il prévoit ainsi une augmentation des retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic, fruit d'un accord entre la droite et le gouvernement.
Diverses taxes sur les sodas, le tabac et les jeux d'argent ont également été votées par le Sénat, ainsi qu'une contribution de sept heures de "solidarité" par an travaillées sans rémunération par tous les salariés pour financer la dépendance, une mesure très critiquée à gauche.
Mais le dispositif qui cristallise tous les regards touche les entreprises, avec une réduction des allègements de cotisations patronales, qui s'envolent depuis quelques années.
Le gouvernement proposait un effort de quatre milliards d'euros, le Sénat l'a réduit à trois milliards... Mais le camp macroniste ne veut pas en entendre parler et demande la suppression de la mesure.
Celle-ci sera au cœur des débats d'une commission mixte paritaire (CMP), un conciliabule qui réunira mercredi (14h00) sept députés et sept sénateurs, chargés d'aboutir à un texte de compromis.
- Quel compromis sur les allègements ? -
Les troupes de la coalition y seront majoritaires, mais les députés Ensemble pour la République (EPR) menacent de bloquer tout accord s'ils n'ont pas gain de cause sur cette mesure en forme de ligne rouge.
"Il y a une question centrale, celle du coût du travail (...) Sur le fond, je leur réponds qu'ils ont raison, mais j'ai aussi la problématique du redressement des comptes. Cet équilibre, ce chemin de crête, il faut s'y tenir", a reconnu le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin sur Public Sénat lundi.
Pour lui, un "bon consensus" pourrait se dégager en CMP en réduisant l'effort "d'un peu plus de la moitié", soit 1,5 milliard contre quatre initialement demandés aux entreprises.
"Nous avons une forte responsabilité. Il faut du courage: les efforts que nous ferons cette année ne seront peut-être plus à faire l'année prochaine", alerte de son côté la rapporteure générale du budget de la Sécu, la sénatrice centriste Elisabeth Doineau.
Cette négociation en petit comité lors de la CMP ne saurait masquer le risque principal qui pèse sur le gouvernement: celui de la censure.
Car c'est bien sur ce projet de budget de la Sécu que Michel Barnier compte activer le premier 49.3 de son passage à Matignon, au retour du texte à l'Assemblée nationale le 2 décembre... Et si la gauche et le RN s'allient pour voter la motion de censure qui suivra, le gouvernement serait renversé.
T.Deshpande--BD