Le vrombissement des motos gronde au loin et l'homme attendu de tous est vite encerclé par la foule. Le visage ruisselant de sueur, Kunle Adeyanju coupe enfin le contact au terme d'un périple de 41 jours à travers l'Afrique, devenu viral sur les réseaux sociaux.
Parti de Londres le 19 avril, Kunle Adeyanju, 44 ans, a parcouru à moto plus de 13.000 kilomètres et traversé treize pays, jusqu'à son arrivée dimanche à Lagos, la capitale économique du Nigeria, son pays d'origine.
L'objectif: lever des fonds pour l'ONG Rotary International afin de soutenir la lutte contre la polio, maladie très contagieuse, éradiquée depuis 2020 sur le continent africain grâce à la vaccination, mais où elle menace toujours.
"Je manque de sommeil parce que je n'ai dormi que 3 à 4 heures par nuit. Mais je suis fier de moi parce que j'ai accompli ce défi", se félicite-t-il auprès de l'AFP, les traits tirés.
Escorté par de nombreux motards depuis la frontière avec le Bénin, Kunle Adeyanju a été accueilli par des dizaines de sympathisants en délire au centre Rotary d'Ikeja, un quartier du centre de Lagos.
"En tant que membre de Rotary, je suis vraiment très fière. Il a donné une autre vision de l'Afrique", insiste Joy Daniel, 37 ans, drapeaux de l'ONG en main.
Car tous les jours, le motard - "LionHeart" ("Coeur de lion") sur les réseaux sociaux - a raconté l'avancée de son voyage, gagnant en popularité à une vitesse folle.
Sur ses photos aimées des milliers de fois, les mêmes scènes de liesse et d'entraide sur le continent africain se répètent, au gré des embûches.
- 100.000 followers -
Chaque fois, au Togo, au Bénin, au Ghana et au Sénégal par exemple, il pose tout sourire aux côtés de motards, de fans et des autorités locales avec une bannière "en finir avec la polio".
Et ce, même dans les pays jugés plus dangereux comme le Mali et le Burkina Faso, en proie à des insurrections jihadistes.
Dans le premier par exemple, Kunle Adeyanju a cassé une de ses jantes.
Debout, "seul au milieu de la nuit", ne sachant pas "quoi faire", M. Adeyanju raconte s'être dirigé vers un village à proximité.
"C'était en pleine brousse. Je ne parlais même pas la langue. On aurait pu se débarrasser de moi mais les villageois m'ont aidé. L'humanité sous son meilleur jour !", dit-il.
Pas comme dans "l'enfer" de la Mauritanie, où il dit avoir été arnaqué de centaines d'euros : "sa pire expérience".
Selon Kunle Adeyanju, son compte Twitter comptait seulement 3 followers à sa création, en décembre 2021. Il en compte aujourd'hui près de 100.000.
Un engouement qui lui a valu les félicitations du PDG de Twitter en personne.
"Merci de partager votre voyage inspirant avec le monde entier sur Twitter. J'adore !", a écrit à la mi-mai Parag Agrawal.
Kunle Adeyanju évoque sa popularité "complètement folle" sur les réseaux : "Pour moi, le but c'était simplement de sensibiliser sur la polio."
- Paralysie irréversible -
Depuis que le Nigeria a officiellement éradiqué ce virus en 2020, le Pakistan et l'Afghanistan sont les deux seuls pays au monde où la polio reste endémique.
"La lutte pour l’éradication de la polio dans le monde est un combat que mène Rotary International depuis 20 ans", explique Delight Sunday-Anicho, présidente du Rotary Club d'Ikoyi, quartier riche de Lagos, qui cèdera ses fonctions début juillet au motard devenu célèbre.
"La maladie existe toujours. Nous n’avons pas encore gagné ce combat même si la maladie est en grande partie contenue."
Seule une vaccination massive des enfants empêche l'infection donc la transmission, ce qui a permis de quasiment éradiquer les formes sauvages. Le vaccin a été créé dans les années 1950 mais restait hors d'atteinte des pays pauvres d'Asie et d'Afrique jusqu'à une mobilisation importante ces dernières décennies.
Ancien opérateur logistique chez Shell au Nigeria, Kunle Adeyanju dit s'être lancé à ses frais (19.000 euros) dans l'aventure en souvenir "d'un ami d'enfance", atteint de la maladie.
"On faisait du sport mais lui ne pouvait pas bouger. Alors, il nous regardait".
La polio provoque une paralysie irréversible, voire la mort. Et tant qu'elle circule de manière endémique dans certains pays, des millions d'enfants restent menacés à travers le monde.
Avec ce voyage, Kunle Adeyanju - qui a déjà gravi deux fois le Kilimandjaro - espère lever pour Rotary 20 millions de nairas, soit 45.000 euros.
La suite ? Aller en vélo jusqu'au Ghana, se rendre en Israël à moto ou son rêve : gravir l'Everest.
C.F.Salvi--BD