Coup d'arrêt au retour des soignants non vaccinés contre le Covid. Alors que le débat reprenait de l'ampleur, le gouvernement a décidé vendredi qu'ils ne seraient pas réintégrés, dans la foulée d'un avis négatif de la Haute autorité de santé, qui devait servir de juge de paix sur le sujet.
"L'académie de médecine, le conseil scientifique et la Haute autorité de santé ont un avis convergent (...) il est négatif" et "on suit l'avis des scientifiques", a annoncé le ministre de la Santé François Braun, lors d'un déplacement en Seine-et-Marne.
"Ils ne seront pas réintégrés", a-t-il ensuite confirmé sur Cnews.
Le ministre a précisé qu'il réunirait "dès le début de la semaine prochaine les organisations syndicales pour leur expliquer la situation", "voir comment on envisage de s'en sortir peut-être dans quelques mois".
Peu avant cette annonce, la HAS, dont les avis servent de base aux décisions de santé publique, s'était dite "favorable au maintien de l'obligation de vaccination contre (le) Covid-19" des soignants.
Cet avis était très attendu car les débats sur le sujet ont beaucoup repris ces dernières semaines.
Les soignants français - médecins, infirmiers... - qui exercent à l'hôpital ou dans les Ehpad, et plus globalement les employés de ces établissements de santé, sont obligés depuis l'an dernier d'être vaccinés contre la maladie.
Les non vaccinés se voient donc interdits d'exercer leur activité, une situation dénoncée par une partie des oppositions, de la France Insoumise (LFI) au Rassemblement national (RN) en passant les Républicains (LR).
Elles font valoir que les vaccins anti-Covid ont perdu beaucoup de leur efficacité contre la transmission de la maladie, bien qu'ils restent protecteurs sur le plan individuel contre les formes graves.
Elles jugent aussi aberrant d'empêcher des soignants d'exercer leur activité dans un contexte de manque de personnel, bien que la proportion de personnes suspendue soit extrêmement minoritaire dans les hôpitaux.
"Ceux qui font courir le bruit que la réintégration des soignants allait permettre de régler tous les problèmes de l'hôpital demain, c'est totalement faux", a estimé François Braun. "Les derniers chiffres font état de 600 infirmières sur l'ensemble du territoire, donc ce ne serait pas la solution miracle".
L'avis de la HAS était d'autant plus attendu que les parlementaires avaient décidé jeudi qu'une éventuelle réintégration des soignants serait automatique dès que l'autorité donnerait son accord.
- Désaccords entre médecins -
Or, "les données ne sont pas de nature à remettre en cause aujourd'hui cette obligation vaccinale", a jugé la HAS.
Celle-ci a mis en avant le grand nombre actuel de contaminations, lié au lignage BA.5 du variant Omicron, et s'inscrit contre l'argument qui voudrait que les vaccins n'ont plus d'intérêt sur le plan collectif.
Même si les vaccins ont largement perdu de leur efficacité contre les contaminations, celle-ci n'a pas totalement disparu, en particulier dans les mois qui suivent une dose de rappel, juge l'autorité.
L'obligation d'être vaccinés favorise donc "une meilleure protection des personnes soignées ou accompagnées, au premier rang desquelles les plus vulnérables", a conclu la HAS.
Cet avis est dans la droite ligne d'autres positions récentes comme celle de l'Académie de médecine. Cette instance, qui contrairement à la HAS n'a pas de rôle officiel mais porte le consensus de la discipline, a fait part cette semaine de sa "ferme opposition".
Légèrement moins tranché, le Conseil scientifique, sur le point de s'éteindre après avoir orienté pendant plus de deux ans les politiques du gouvernement face au Covid, s'est dit jeudi "très réservé" sur une réintégration.
D'autres grandes figures scientifiques, peu suspectes de complaisance envers les mouvances anti-vaccination, estiment à l'inverse qu'il est temps de réintégrer les soignants non vaccinés.
C'est le cas de l'épidémiologiste Antoine Flahault qui a jugé mercredi sur Twitter que "le maintien de la suspension des soignants non vaccinés (n'était) plus fondé sur le plan scientifique" au vu de la perte d'efficacité des vaccins.
"Blâmer ces personnels de santé pour leur comportement passé irresponsable et illégal, oui. Ne pas les réintégrer, non !", a-t-il tranché, poussant à son tour d'autres médecins à exprimer leur désaccord.
Certains adversaires de la réintégration jugent en effet celle-ci inacceptable non pas d'un point de vue scientifique mais éthique, dans l'idée que les soignants non-vaccinés ont failli à leur mission en mettant en danger des malades.
L.Panchal--BD