Galoper à travers Mogadiscio: le "rêve" éveillé de la première cavalière somalienne / Photo: Hassan Ali Elmi - AFP
Apercevoir une haute silhouette noire chevauchant un destrier dans les rues de Mogadiscio, plutôt embouteillées de bruyants tuk-tuks et de motos, est une vision pour le moins inhabituelle. Elle l'est d'autant plus quand le cavalier est une cavalière.
Dans ce pays musulman très conservateur de la Corne de l'Afrique, Shukri Osman Muse s'enorgueillit d'être "la première cavalière du pays". "C'était mon rêve depuis des années", raconte-t-elle à l'AFP.
Quelques minutes plus tôt, la femme de 25 ans galopait sur son cheval alezan à travers le centre ville de la capitale somalienne, vêtue d'un chapeau de cow-boy noir assorti à sa longue abaya couvrante, qui tranche avec ses larges lunettes de soleil roses.
Si elle n'est montée pour la première fois sur un cheval qu'au milieu de l'année dernière, la sportive aspire désormais à rejoindre la fédération équestre somalienne pour représenter son pays à l'international.
Pour réaliser son rêve, Mme Muse raconte avoir "persévéré et dépassé" de nombreux obstacles.
Au départ, "je ne savais même pas où trouver un cheval", dit-elle. Après plusieurs mois d'entraînement intense, elle se dit "maintenant très heureuse d'être devenue une cavalière expérimentée", propriétaire d'un "adorable" cheval, ajoute-t-elle.
Sur sa route, se sont aussi dressés traditions et stéréotypes liés au genre, dans cet Etat très religieux.
"Je voulais montrer à tout le monde qu'il est tout à fait normal pour les femmes de faire du cheval, et que c'est permis par notre religion", déclare-t-elle.
Son entraîneur, Yahye Moallim Isse, affirme que "sa réussite est une inspiration pour tous les Somaliens" tandis que sa soeur Nadifo Osman Muse raconte que le business familial, un salon de beauté dans lequel travaille aussi la cavalière, bénéficie même de son hobby.
Les clients "adorent prendre des photos" avec le cheval, ajoute la soeur. "Nous sommes immensément fiers."
- "Un testament de la paix retrouvée" -
Pour certains résidents qui ont vu Shukri Osman Muse sillonner les rues avec aplomb, cette vision illustre la paix qui revient petit à petit à Mogadiscio, considérée par le passé comme la ville la plus dangereuse du monde.
La Somalie peine à se remettre des décennies de guerre civile, qui ont ravagé le pays et fait exploser la pauvreté. L'Etat fédéral fait face aujourd'hui à l'insurrection des islamistes radicaux shebab ainsi qu'à de fréquentes catastrophes climatiques.
Abdifatah Abdi Haji Nur est récemment revenu vivre dans la capitale somalienne après des années à l'étranger, "parce que la ville est sûre à nouveau".
"Voir une femme faire du cheval dans la capitale est un testament de la paix retrouvée", affirme ce résident à l'AFP.
Mohamed Adam Hassan, quant à lui, était ce jour làl'un des nombreux passants - et même un policier - qui saluent ou souhaitent prendre en photo Mme Muse lors de sa cavalcade.
"Cela me donne envie d'apprendre moi-même à faire du cheval et peut être d'arrêter les tuk-tuks", dit-il.
O.Mallick--BD